Selon une réglementation fédérale prise sous la précédente législature, les hôpitaux multisites - tels Brugmann et ceux du réseau Iris Sud - ne pourront plus disposer, à partir de mars 2005, que d’une seule unité de Soins urgents spécialisés (SUS) par entité juridique, liée à un Service mobile d’urgence (SMUR). Mais le ministre fédéral de la Santé Rudy Demotte se déclare prêt à reporter cette disposition.
Invité pour le 1er anniversaire du SMUR de Paul Brien à Schaerbeek, le ministre-président bruxellois Daniel Ducarme (MR) a rappelé une disposition fédérale faisant peser une épée de Damoclès sur la tête des hôpitaux multisites bruxellois. Un AR du 7 novembre 2000 interdit en effet aux hôpitaux fusionnés d’exploiter, à partir de 2003, une même fonction hospitalière, un même service médico-technique ou un même programme de soins sur plusieurs sites. Cette mesure visait à éviter des «fusions sur papier» n’entraînant aucune rationalisation. Mais étant donné la spécificité hospitalière bruxelloise, une dérogation transitoire a reporté au 1er mars 2005 l’obligation de regrouper les fonctions SUS (et donc les SMURs) sur un seul site d’un même hôpital. En outre, un système d’enregistrement relatif à l’activité des services d’urgences a été créé pour mettre fin au manque de données suffisamment fines quant à l’activité réelle des fonctions SUS et des SMURs.
Dans la foulée des réactions suscitées par Daniel Ducarme à propos de cette disposition, le ministre fédéral de la Santé Rudy Demotte (PS) a aussitôt réagi par voie de communiqué. Désireux de calmer les esprits, Rudy Demotte précise qu’"en 2005 aucune mesure ne sera prise en vue de la fermeture de SMURs. Il apparaît qu’il faudra sans doute compter sur une période plus longue pour pouvoir disposer d’analyses pertinentes au départ du système d’enregistrement mis en place. C’est pour cette raison que j’ai l’intention de prolonger la disposition transitoire au-delà du 1er mars 2005".
Tout serait donc réglé, certes provisoirement. Alors, bien que ce ne soit pas dans ses habitudes, le ministre-président Ducarme aurait-il parlé un peu trop vite? "Non, si j’en juge la mise au point qui vient d’être faite par M. Demotte", se défend-t-il, convaincu d’avoir eu raison de rappeler cette disposition transitoire. "Le fait que le ministre nous indique sa volonté de reporter cette mesure au-delà du 1er mars 2005 montre bien qu’il y a une difficulté. En soi, sa décision ne résout pas le problème quant au fond. Moi je souhaite que l’on prenne en considération la situation bruxelloise, car le report implique qu’il n’y a pas de stabilité au niveau des unités de SMURs et cela n’écarte pas définitivement le risque d’une remise en cause, tôt ou tard".
Faire sauter cette disposition
Pour Daniel Ducarme, la situation présente, sans garantie à terme du maintien des SMURs actuels, n’est pas bonne pour la politique de santé et n’aide certainement pas à la stabilité ni à une organisation rigoureuse de l’ensemble des services de prise en charge des urgences médicales. "De toute façon, que l’on applique une clause transitoire ne répond pas à la préoccupation du secteur. Ce qui est en cause, ce n’est pas tant l’AR du 27 février 2003 qui reporte l’entrée en vigueur de cette disposition, mais le fond de l’AR du 7 novembre 2000 qui prévoit que les hôpitaux multisites ne pourront disposer que d’une seule fonction SUS - et on sait que cela a un impact direct en ce qui concerne les SMURs. Par conséquent, il faut faire sauter cette disposition pour Bruxelles, et déposer ce point en comité de concertation me paraît essentiel. On sait en Belgique, surtout dans les matières de santé étant donné les préoccupations budgétaires, que quand il n’y a pas la sécurité juridique, les choses peuvent toujours changer… ".
Pour sa part, Didier Gosuin, ministre de la Santé au sein de l’exécutif bruxellois que préside Daniel Ducarme, indique que, personnellement, il a toujours contesté le parti pris qui a fondé cette disposition légale. C’est la raison pour laquelle il y a une période d’évaluation. "Le ministre-président réagit parce que nous avons mis ce point à la conférence interministérielle de la santé et nous avons demandé ce rapport. Pour ma part, j’étais informé, et je n’aurais pas fait ce genre de déclaration." Et Didier Gosuin de rappeler qu’en réalité il y a un accord pour prolonger la discussion, et dès lors l’analyse et la disposition de 2005 seront reportées.
Bruxelles, une ville à part
"Cependant, nous contestons qu’on établisse un plan de répartition des SMURs sur base du chiffre de population, insiste Didier Gosuin. Il est évident que, pour Bruxelles, chiffrer cette répartition sur base d’un million d’habitants n’a pas de sens dans la mesure où, en réalité, la population de la ville atteint les 1,3 millions de jour et nous devons tenir compte de cette réalité sociologique. Nombre de personnes qui viennent aux urgences sont des Bruxellois, mais aussi des gens qui viennent y travailler, des touristes…" Par ailleurs, on ne peut pas comparer une ville de moyenne importance à la capitale belge et européenne, vu sa configuration, les problèmes de mobilité… "Le problème d’un SMUR c’est évidemment le temps nécessaire pour se rendre sur place et rejoindre les urgences," reprend le ministre bruxellois en charge de la Santé. "Il est évident qu’à Verviers, un ou deux kilomètres se parcourent trois ou quatre fois plus vite qu’à Bruxelles. Tous ces éléments objectifs, nous les avons mis sur la table et nous avons demandé au ministre Demotte de bien réfléchir et de ne pas appliquer de manière brutale la disposition de 2005, ce à quoi il a consenti".
Reste que Didier Gosuin n’entend pas non plus se satisfaire de la disposition de 2005. "Nous demandons une évaluation beaucoup plus rigoureuse et mettons en garde contre des fermetures intempestives et qui ne seraient pas basées sur une réalité de terrain". De toute manière, c’est l’exécutif bruxellois qui donne les agréments, matière relevant de la compétence des ministres régionaux.
Auteur : Thierry Goorden
Source : Le Journal du Médecin (n°
1569 du 10/02/2004) - ©Lejournaldumedecin.com