Tel un horloger réparant de minuscules mécanismes, le Pr Willy Boeckx excelle dans l'art de rapiécer les tissus les plus microscopiques. C'est un pionnier de la microchirurgie, mais aussi l'un des praticiens belges les plus chevronnés, que le CHU Brugmann accueille à son bord.
Très loin de la chirurgie plastique telle que l'on se l'imagine, Willy Boeckx sonde les mystères des plus petits recoins de notre corps. Sa spécialité? La microchirurgie de la main. Entouré de microscopes et d'instruments plus minuscules les uns que les autres, il remet bout à bout des vaisseaux de 0,3 à 1,5 millimètre de diamètre.
Pionnier d'une grande dextérité
"En 1958, à 14 ans, j'assistais, fasciné, aux premières césariennes réalisées par mon père, vétérinaire dans le Limbourg", raconte Willy Boeckx. Une expérience qui ouvre la voie à une carrière d'exception. Après des études de médecine à la KUL (Katholieke Universiteit Leuven), le jeune homme opte pour la chirurgie et se lance, dans sa deuxième année de spécialisation, dans la microchirurgie expérimentale. Après une formation qui comprend entre autres plus de 5000 transplantations de reins et de coeurs sur des rats, le jeune chirurgien réalise sa première réimplantation de doigt en 1972. Une première en Europe! En 1973, nouvel exploit. "Cette année-là, j'ai effectué la première opération avec lambeau libre en Europe, trois mois seulement après que cette technique ait été mise au point en Australie." Le principe? Un morceau de peau et ses vaisseaux sont détachés du muscle et suturés sur les vaisseaux d’une autre partie du corps. Une technique qui permet de reconstruire un nez, un sein ou encore un pouce, grâce à des tissus prélevés sur des zones peu visibles. Déjà rodé aux techniques microchirurgicales, Willy Boeckx se spécialise ensuite dans le traitement de la stérilité par anastomose tubaire (intervention au niveau des trompes de Fallope) et la neuro-microchirurgie des nerfs périphériques.
Au centième de millimètre près
"En 1988, j'ai commencé à réaliser des reconstructions mammaires et à remplacer des tissus détruits des suites de cancers (mandibule, nez, langue...) à partir des tissus des patients." Muni d'une aiguille de 70 millièmes de millimètre de diamètre et d'un fil plus de trois fois plus petit encore, le microchirurgien suture un à un chaque petit vaisseau. "Une dizaine de points sont nécessaires pour chacun d'entre eux et chaque noeud implique de changer 3 fois le grossissement du microscope". Un travail titanesque! D'autant qu'il suffit que la main du microchirurgien bouge de 2 ou 3 centièmes de millimètre pour que l'opération se solde par un échec. Pourquoi, dans ce cas, ne pas utiliser des "robotschirurgiens"? "Ils sont loin d'avoir une précision comparable à celle de la main humaine." Leur usage n'a de sens que lorsque la zone à opérer est inaccessible aux outils du chirurgien.
À la fois horloger et architecte
Les machines sont donc encore loin de supplanter l'homme, d'autant que la microchirurgie est tout sauf une simple addition de techniques. "Il faut toujours réfléchir à ce qu'il est spécifiquement possible de faire pour chaque patient. En microchirurgie, il est essentiel de connaître les techniques de base sur le bout des doigts, mais aussi d'avoir un esprit très créatif." Horloger minutieux réparant les mécanismes abîmés, ce passionné de modélisme s'apparente également à un architecte établissant les plans de réfection d'un bâtiment. "Avant d'enfiler l'aiguille et de plonger dans le champ opératoire, une longue réflexion est indispensable. Il faut passer au crible tous les avantages et les désavantages de chaque option. Rien n'est jamais laissé au hasard."
Une découverte de taille
Fort de son expérience, Willy Boeckx
ne cesse de chercher de nouveaux traitements.
Que ce soit dans le cadre du
centre des grands brûlés qu'il a créé il y
a 20 ans à l'UZ Leuven, ou dans d'autres
domaines. "J'étais régulièrement appelé
pour des cas de septicémies à méningocoques
(infection du sang) chez des
enfants de 6 mois à un an et demi.
Malheureusement, il était souvent trop tard et je ne pouvais éviter l'amputation."
En examinant les patients avant qu'ils
atteignent ce stade de la maladie, Willy
Boeckx fait une découverte de taille. "Après examen, j'ai opéré l'un de ces
enfants et je me suis rendu compte que
ses vaisseaux sanguins n'étaient plus
irrigués parce qu'"étranglés" par des toxines.
Pour éviter l'amputation, la solution était donc de libérer les vaisseaux grâce
aux techniques de microchirurgie."
Nouveau tournant
Après 28 années de bons et loyaux services, Willy Boeckx quitte la KUL pour l'Universitaire Ziekenhuis de Maastricht, où un poste de chef de service lui est proposé. "J'y suis resté jusqu'en 2006. La jeune génération a ensuite pris la relève." En poste à Brugmann depuis quelques mois, Willy Boeckx entend bien en faire le centre de référence en matière de chirurgie de la main, sa spécialité avec le traitement des grands brûlés. "Il est important de développer des collaborations avec les kinésithérapeutes, les physiothérapeutes, mais aussi les autres hôpitaux de la région pour assurer aux patients la meilleure prise en charge possible". Gageons que ce tournant dans la carrière de ce passionné sera encore riche de succès et de grandes découvertes. Le CHU Brugmann, mais surtout ses patients, ont tout à y gagner.
Auteur : Aurélie Bastin
Source : Osiris News
(n°
9, décembre 2007-février 2008)