Terme d’un processus planifié et exécuté sur une quinzaine d’années, tout en respectant les plans de Horta et en intégrant des bâtiments en attente de classement par les Monuments et sites, le CHU Brugmann se dote de cinq nouvelles ailes. Celles-ci abriteront les secteurs d’hospitalisation, des services logistiques et des parkings souterrains.
Inauguré en 1923, l’hôpital pavillonnaire imaginé par Victor Horta n’avait livré qu’une partie du programme initial de construction, faute de disponibilités suffisantes du legs de Georges Brugmann. Depuis lors, le CHU a été l’objet de nombreuses adaptations, transformations et extensions, imposées par l’évolution médicale. Ces aménagements divers se sont faits en tenant compte des plans laissés par l’architecte, plans «extrêmement clairs, lisibles et complets, bien dessinés et cotés sans erreurs», comme on peut le découvrir en lisant l’excellent livre «Du côté de Brugmann, un hôpital dans son siècle» (éditions Ercée, Bruxelles 2006). Des bâtiments ont ainsi été ajoutés au fil du temps, sans trop de difficultés. Pour répondre aux exigences fonctionnelles qu’on est en droit d’attendre d’un hôpital moderne, les autorités du CPAS de Bruxelles lancèrent en 1992 un vaste projet de reconstruction. Il fut décidé que l’hôpital serait alors repensé dans sa totalité «pour lui donner une fonctionnalité présente et future, pour sauver l’architecture de Horta et pour retrouver une unité dans l’aménagement du site», précise le bureau d’architecture Philippe Samyn, qui s’est vu confier cette mission en association avec Claude Goelhen (BEAI). C’est le fruit de cette longue procédure de réflexion et de maturation, décidée de concert avec le corps médical, le CPAS et la Ville de Bruxelles, qui vient d’être présenté avec l’inauguration officielle de cinq nouveaux bâtiments, aujourd’hui achevés et entrés en phase d’exploitation.
Ces nouvelles améliorations de l’environnement de travail concernent une surface totale de 37.000 m² et quelque 250 lits d’hospitalisation. Pour une meilleure cohérence, l’ensemble du site a été défini en quatre grandes zones: la zone d’hospitalisation aiguë (urgences, soins intensifs, médecine, chirurgie et gériatrie), le pôle mère-enfant (maternité et Huderf), la zone de revalidation et la zone de soins psychiatriques. Parmi les objectifs de ce plan de réorganisation-reconstruction de l’hôpital, la volonté était de réduire les circulations entre services, mais aussi de respecter leurs liens fonctionnels, tout en préservant l’homogénéité des constructions et en valorisant l’architecture originale du site.
Cinq personnalités à l’honneur
On notera que chacune des cinq nouvelles ailes qui voient le jour portent le nom d’une personnalité du monde médical ayant fait ses armes au CHU Brugmann. Ainsi Roger Vokaer, qui fut pendant 20 ans chef du service de gynécologie-obstétrique; Jacques Corvilain, spécialiste en médecine interne et en endocrinologie qui dirigea la clinique d’endocrinologie et le laboratoire de médecine expérimentale; Roland Potvliege qui, durant toute sa carrière, défendit l’essor de la radiologie et de l’imagerie médicale; Antoine Depage qui a été l’un des maîtres de la chirurgie belge de la fin du XIXe siècle, à l’origine de la première école laïque d’infirmières à Bruxelles; enfin, le professeur Georges Primo, ancien patron du service de chirurgie cardiaque qui effectua la première transplantation du cœur en Belgique en 1973. «Habitué à une toponymie qui privilégie les femmes, Brugmann a, cette fois, choisi de mettre à l’honneur cinq hommes, tous pionniers dans leur domaine, dont deux contemporains prestigieux et animateurs de la médecine hospitalière publique de notre ville», souligna Philippe Close, président de la faîtière IRIS, présent à cette inauguration. Il insista encore sur les missions d’un hôpital public qui soigne toutes les catégories de la populations, et ce sans distinction culturelle ou socio-professionnelle.
Sur le podium des maternités belges
Nicolas Bodson, directeur général du CHU Brugmann, rappela, pour sa part, que si l’hôpital a connu des difficultés financières, jamais il n’a cessé de développer son activité de manière importante, totalisant jusqu’à 290.000 consultations et 54.000 admissions par an aujourd’hui. Des chiffres en progression respectivement de 24% et 14% sur les cinq dernières années. Quant au nombre d’accouchements, il est passé, en moins de trois ans, de moins de 1.000 actes par an à plus de 3.000 de nos jours, faisant désormais figurer Brugmann sur le podium des maternités belges.
Rappelant que la Ville de Bruxelles, depuis l’origine, a été impliquée dans ce développement, le bourgmestre Freddy Thielemans a dit son espoir de voir ainsi le CHU Brugmann «retrouver le lustre, la capacité et la modernité que peut-être, dans le temps, il avait quelque peu perdus». Ministre-président de Bruxelles-Capitale, Charles Picqué s’est déclaré «fier de diriger une Région qui se distingue par la qualité et la diversité exemplaires de son offre hospitalière publique». Il a aussi tenu à rendre hommage au personnel soignant, qui «a droit à toute notre reconnaissance sociale», alors qu’une manifestation était en cours pour réclamer le paiement des heures supplémentaires. Le socialiste bruxellois a plaidé aussi pour davantage de justice sociale, dans une société de plus en plus marquée par l’atomisation sociale, et qui charrie dualisation et fractures sociales. Enfin, Benoît Cerhexe, ministre régional cdH en charge de la Santé, a, lui aussi, mis en avant l’aspect humain, plus important que les briques et les bâtiments. Et de rendre hommage en particulier au courage des 3.100 personnes qui travaillent, 24 heures par jour, au sein du CHU Brugmann, tout en s’inquiétant de la pénurie de personnel dans ce secteur qui, selon lui, est «une menace qu’il ne faut pas perdre de vue».
Auteur : Thierry Goorden
Source : Le Journal du Médecin
(n° 2004 du 05/06/2009) - ©Lejournaldumedecin.com