Conjuguer recherche théorique et applications cliniques, c’est le défi que s’est lancé Xavier Noël. Depuis le 1er octobre, le chercheur bénéficie d'un mandat permanent au FNRS pour poursuivre ses travaux sur les addictions.
Qu’il s’agisse de percer les
secrets de l’atome ou de mettre
au point de nouveaux algorithmes,
la recherche est une affaire de
passionnés. Xavier Noël n’échappe pas à la règle! 15 ans après son entrée au
CHU Brugmann en tant que psychologue
clinicien, il vient d'être nommé chercheur qualifié au FNRS, le Fonds
National de la Recherche Scientifique.
Il dispose ainsi d'un financement permanent
pour se consacrer entièrement à ses recherches au sein du Laboratoire
de Psychologie Médicale, Alcoologie
et Addictologie de l'ULB dirigé par
le Pr Paul Verbanck. Son domaine de
prédilection? Les addictions. Un sujet
pour lequel il se passionne depuis de
nombreuses années. "J’ai toujours été fasciné par la notion de liberté et plus
particulièrement par les conditions de
son entrave", explique-t-il.
De la clinique à la recherche
Le jeune psychologue intègre l'Unité d’Alcoologie et des Toxicomanies du CHU Brugmann en 1996. Parallèlement à son activité clinique, il se forme à toute une série de psychothérapies. Ces formations ne feront qu'attiser la soif de savoir du Dr Noël. "J'ai constaté que les principaux modèles de psychologie ne décrivaient pas le coeur du phénomène de l’addiction. Je me suis lancé dans la recherche scientifique afin de trouver des réponses aux questions qui me taraudaient." En 2000, il obtient un doctorat en sciences psychologiques à l’Université de Liège. En 2002, il s'envole vers les États-Unis pour effectuer un postdoctorat à l'University of Iowa.
Limiter les rechutes
En tant que spécialiste de la dynamique des phénomènes addictifs, le Dr Noël accorde une attention toute particulière à la problématique de la rechute. "La faible efficacité à long terme des sevrages est actuellement plutôt inquiétante", précise-t-il. "Après 21 jours à la Clinique d’Alcoologie, 95% des patients sont abstinents. Mais 80% d'entre eux sombrent à nouveau dans l'alcool par la suite. Pour mieux contrer ce phénomène, il est nécessaire d’avoir une meilleure connaissance de l’addiction elle-même."
Evaluer la dépendance
Les travaux menés depuis 14 ans par le
Dr Noël ont permis de mieux comprendre
le mécanisme de la dépendance. "Avant
que le désir de boire n’apparaisse, des
processus automatiques inconscients se
mettent en place", explique Xavier Noël.
"Mes travaux ont permis d'identifier certains
d’entre eux. Nous sommes dès lors
théoriquement capables de les modifier
et d’améliorer nos méthodes de prise en
charge." Il est par exemple désormais
possible de prédire avec une fiabilité de
75% quels patients, malgré un sevrage
réussi, rechuteront endéans les trois
mois. En 2008, suite à ces résultats prometteurs,
la Clinique du jeu Dostoïevski propose au Dr Noël d’étendre ses travaux à l’addiction au jeu. "C’est un tournant
important dans ma carrière", souligne
le psychologue. "Grâce au soutien du
FNRS et de la Loterie Nationale, j'ai pu
monter ma propre équipe de chercheurs
et de cliniciens au sein du Laboratoire
de Psychologie Médicale, Alcoologie et
Addictologie de l'ULB."
Du travail au jogging : souffler un peu
Xavier Noël ne lésine pas sur le travail. "Je planche quasiment non-stop sur mes
recherches depuis trois ans", admet-il. "Il
n’est d’ailleurs pas rare que je travaille
chez moi en soirée ou le week-end."
Xavier Noël serait-il lui-même un peu
accro? "Mes recherches me passionnent
tant qu'elles en deviennent ludiques ! Mais je veille toujours à ménager des
moments de déconnexion totale pour
ma famille, en particulier pour mon petit
garçon de 5 ans." Car il semble bien que
ce soit là une des recettes du chercheur:
un travail acharné mais sans oublier de
décompresser. Il n’est d’ailleurs pas rare
de voir le Dr Noël accompagné de ses collaborateurs
faire un jogging sur le temps
de midi, histoire de souffler un peu!
Le patient au coeur de la recherche
Pour Xavier Noël, la recherche ne se
suffit pas à elle-même. Pragmatique,
l'homme ne perd jamais de vue que la
finalité de son travail est de soigner. "Il
est indispensable de faire le lien entre
la pratique clinique et la recherche",
explique-t-il. "Il ne faut pas oublier que
pendant que nous planchons sur nos
sujets d’études, des patients continuent
de souffrir. Ce sont ces personnes qui
m'ont donné envie de faire ce métier."
D’où la double finalité de ses recherches
au FNRS: approfondir son modèle théorique
en matière d’alcoolisme, de jeu
pathologique et de mésusage du cannabis
tout en développant des applications
cliniques destinées à améliorer la prise
en charge des patients.
Auteur : Thomas Coucq
Source : Osiris News
(n°
25, décembre 2011-février 2012)