>>Un partenariat entre obstétrique et pédiatrie

Une collaboration obstétrico-pédiatrique permanente et renforcée...Sur le site Horta (Laeken), le Centre de Périnatologie Brugmann-HUDERF est "le résultat d’un partenariat, d’un mariage entre l’obstétrique et la pédiatrie". Un mariage dont le Professeur Alain Vokaer a été, de son propre aveu, le "farouche artisan".

Si Alain Vokaer n’est pas surpris d’être "à l’honneur" de ce premier numéro d’Osiris News, ce n’est pas par manque de modestie. "Pour commencer par le commencement, il est logique d’interroger d’abord le responsable de la maternité…" Une maternité qui existait déjà en 1923, lors de l’inauguration de "l’hôpital construit par Horta", mais dont la routine a été bouleversée, à partir de 1982, par l’implantation sur le site de l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola (HUDERF), seul hôpital universitaire belge entièrement consacré à la médecine des enfants. "Dès ce moment, j’ai plaidé pour un remodelage des spécialités qui touchaient à la mère et à l’enfant, et qui étaient jusqu’alors séparées, afin d’en arriver à une collaboration obstétrico-pédiatrique permanente et renforcée, que l’on a coutume de désigner sous le vocable plus général de périnatologie."

Dialogue

L’idée, séduisante, recueillit tous les suffrages. "Nous souffrions d’un handicap majeur : notre séparation géographique de fait. Il est difficile de vivre en couple dans deux appartements séparés !" Le problème a été résolu par un déménagement : depuis novembre 2003, la maternité, le quartier d’accouchements et le service de périnatologie sont abrités dans le bâtiment "Roger Vokaer", relié à l’HUDERF par une passerelle. "Ce rapprochement n’a pas provoqué de véritable révolution, car celle-ci avait déjà eu lieu : ce campus a été un des premiers à s’intéresser aux grossesses à risques, et les obstétriciens savaient depuis longtemps qu’ils avaient plus à partager avec les pédiatres qu’avec leurs confrères gynécologues, préoccupés du cancer du sein ou du traitement de la ménopause. Mais, grâce à notre passerelle, les possibilités de rencontre se multiplient."

Hôtel Vokaer

Dans la même ligne, le Professeur Vokaer a voulu remplacer le terme d’"obstétrique" par celui de "médecine foeto-maternelle", "car nous ne nous occupons pas d’un, mais de deux patients, et ce qui arrive à l’un peut avoir des répercussions sur l’autre, et vice-versa." Depuis l’ouverture des nouveaux locaux, le nombre des accouchements ne cesse d’augmenter. Ce qui s’explique aussi, selon Alain Vokaer, par l’importance accordée à l’accueil et au confort – autrement dit à "l’aspect hôtelier". "Notre but est d’offrir à tous les meilleurs soins, mais dans un cadre humanisé. Je me suis basé sur une expérience faite à Rennes, où l’engouement pour l’accouchement "naturel" à domicile avait entraîné toute une série d’accidents. Les obstétriciens français ont alors eu l’idée de mettre à la disposition des couples des chambres de travail ou d’accouchement qui ressemblaient à des cabines de bateau ou à des mas, mais où la technologie pouvait reprendre rapidement ses droits. Sans aller jusque-là, j’ai privilégié le bois et certaines harmonies de couleurs, et il y a des lecteurs de cd et des rhéostats dans toutes les chambres. Et aussi des lits d’accompagnants pour les papas qui veulent passer la nuit "en famille"."

Part de chance

Avec trois lits de réanimation obstétricale maternelle, le Centre de Périnatologie a déjà un pied dans l’avenir. "J’estime que la spécificité des problèmes médicaux posés par la mère et les aspects psychoaffectifs liés aux grossesses compliquées justifient dans certains cas une délocalisation des soins intensifs. Il faudra évidemment attendre les cadres et les crédits nécessaires, et former des anesthésistes réanimateurs obstétricaux, mais le maintien de la mère dans son milieu obstétrico-pédiatrique me paraît essentiel, pour préserver l’intimité mère-enfant, mais aussi pour éviter d’exposer l’un et l’autre aux infections nosocomiales."
Les 30 autres lits accueillent aussi des grossesses "normales". "Les structures qui se consacrent principalement, voire exclusivement, à la prise en charge de la haute pathologie finissent par faire de la mauvaise obstétrique. Il ne faut pas se mettre la tête sous l’oreiller : naître reste dangereux, tant pour la mère que pour l’enfant. Je me suis approprié une devise de Pasteur, "Le hasard ne sourit qu’aux esprits préparés". Ce concept implique une très grande humilité : la médecine n’est pas toute-puissante, et ses réussites comportent une large part de chance. Si bon qu’on soit ou qu’on se croie, il faut se préparer à l’idée que les choses peuvent mal tourner, et y préparer ses patients. Dans le cas du prématuré de Namur, qui a défrayé récemment la chronique, personne n’était préparé : ni les obstétriciens, ni les pédiatres, ni les parents, ni la justice."

Barrières administratives

Ayant réussi à jeter une passerelle entre sa maternité et l’HUDERF, Alain Vokaer rêve de faire tomber les dernières barrières entre les deux hôpitaux. "Pour faire des évaluations du bassin maternel avant ou pendant l’accouchement, par exemple, nous devons nous rendre à la grande radiologie adultes, alors qu’il y a une table de radiologie de l’autre côté de la passerelle, à l’HUDERF. Mais c’est un autre hôpital, où la maman n’est pas inscrite…" Il déplore les tracasseries administratives et les restrictions budgétaires, mais aussi "la surenchère aux primes d’assurances, qui deviennent exorbitantes, et les dérives d’une médecine défensive qui mènent notamment à la multiplication des césariennes. On en est à 33 % en Italie, 30 % aux Etats-Unis, 20 % en Belgique ! La médecine était plus gaie à exercer il y a vingt ou trente ans. Mais mon métier n’en reste pas moins merveilleux, parce que c’est celui qui donne la vie."

Auteur : Marie-Françoise Dispa
Source : Osiris News (n° 1, mai-août 2005)