>>Hélène Demanet… à cœur ouvert

Chirurgienne cardiaque, le docteur Hélène Demanet se doit d’être très disponible pour son travail qu’elle exerce principalement à l’Hôpital universitaire des Enfants Reine Fabiola. Mariée à un médecin généraliste, elle est aussi maman de deux garçons.

Hélène Demanet a fait ses études de médecine et de chirurgie à l’ULB. Sa formation l’a emmenée dans les hôpitaux d’Ixelles, de Braine-l’Alleud et Brugmann où elle est finalement restée lorsqu’elle termina ses études en 1989. Pourquoi la chirurgie cardiaque? «Quand j’ai effectué mon premier stage en chirurgie pédiatrique, je suis très vite allée en salle d’opération où j’ai assisté aux interventions chirurgicales sur des enfants. Ayant beaucoup aimé ce stage, je voulais faire la chirurgie pédiatrique. Mais il s’est avéré qu’il n’y avait pas beaucoup de places en chirurgie pédiatrique. La chirurgie digestive m’attirait aussi, mais il n’y avait pas de place non plus. Par contre, il manquait de chirurgiens cardiaques à Brugmann et je suis donc devenue chirurgienne cardiaque.» Au début, Hélène Demanet opérait des adultes et des enfants. Elle s’est progressivement spécialisée dans la chirurgie des enfants qui représente aujourd’hui l’essentiel de son activité. Elle réalise ainsi son ambition d’étudiante: opérer des enfants.

La médecine: une affaire de famille

Son père, Jean-Claude Demanet, et son grand-père maternel, Paul Bastenie, étaient tous deux internistes et ont aussi été chefs de service à l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles. L’histoire familiale s’est donc poursuivie sur le même mode lorsque la jeune Hélène endossa à son tour l’habit de médecin, au grand dam de son aïeul, Paul Bastenie, lequel ne sut jamais apprécier la voie chirurgicale que choisit sa petite fille. C’est à l’université que la future chirurgienne rencontra celui qui allait devenir son mari, Jean-Daniel Havaux, devenu généraliste à Nivelles. De cette union sont nés deux garçons, âgés aujourd’hui de 14 et 10 ans. «Quand j’ai rencontré mon mari, je voulais déjà faire la chirurgie. Au moment de choisir entre la chirurgie digestive et la chirurgie cardiaque, mon mari m’a encouragée à faire la chirurgie cardiaque car il trouvait que c’était une belle spécialité

L’organisation familiale

Le service de chirurgie cardiaque de l’hôpital Brugmann compte trois chirurgiens. Hélène Demanet travaille principalement à l’Huderf. Ses gardes l’emmènent parfois opérer à la VUB. Pour des raisons familiales, la spécialiste s’est ménagée un temps de travail correspondant à un 10/11e temps. Ce qui lui permet de ne pas travailler le mardi après-midi. En principe... Puisque l’après-midi commence lorsque l’intervention du matin se termine, parfois à 15h00. Les autres jours, la chirurgienne commence son travail à 8h30 pour le terminer vers 19h00. «C’est un métier qui prend beaucoup de temps. Il faut être très disponible pour l’hôpital et il n’en reste pratiquement plus pour soi et pour la famille.» Cependant, la conciliation entre travail et famille s’accorde bien, mari et femme ayant trouvé une bonne organisation pour se relayer auprès de leurs enfants. Comme l’explique Hélène Demanet, cette organisation avait été pensée de longue date: «C’était surtout mon mari qui voulait avoir des enfants car je ne voyais pas très bien comment mener de front un tel travail en ayant des enfants et je ne voulais pas les mettre n’importe où non plus. Nous nous sommes toujours arrangés pour que mon mari ou moi-même soyons auprès des enfants, avec le soutien de mes parents. Aujourd’hui, les enfants sont plus grands et les choses sont plus faciles». Il n’en reste pas moins un horaire de travail très chargé pour le Dr Demanet qui effectue des gardes appelables 10 à 15 jours par mois.

Une spécialité peu courue par les femmes

En Belgique, Hélène Demanet est une des rares femmes à exercer la chirurgie cardiaque. Il s’agit d’une profession très prenante qui demande une grande résistance physique quand on sait que la durée d’une opération peut varier de 2h30 à 12h00. Une profession valorisante aussi. «Quand nous réussissons une intervention et que tout se passe bien pour le patient, nous en tirons énormément de satisfaction. En général, les patients sont très reconnaissants envers leur chirurgien. » Savoir gérer l’échec fait également partie du métier. «Quand l’opération n’a pas réussi, c’est vraiment très dur. Il faut alors essayer de comprendre. Par exemple, aller sur Internet pour voir ce que les autres chirurgiens ont fait dans le même cas. Nous devons sans cesse nous remettre en question. Si nous pratiquons un nouveau type d’opération, nous essayons de savoir si d’autres l’ont déjà fait et comment ils l’ont fait. En chirurgie, il faut sans cesse aller à la recherche d’articles pour savoir comment la spécialité évolue et comment les choses bougent. Des congrès, il y en a tout le temps. Mais il faut savoir accorder du temps à sa famille et il y a donc des choix à faire.» La chirurgienne fait partie de celles qui estiment qu’une femme est tenue d’en faire plus qu’un homme pour un travail égal. «Non seulement, une femme doit être plus disponible qu’un homme. Elle a aussi moins droit à l’erreur. J’ai l’impression que l’on supporte moins les défaillances d’une femme. Par exemple, s’agissant d’une femme, on va commencer par se demander ce qu’elle vaut. Par la suite, on sera moins indulgent envers elle en ce qui concerne la qualité de son travail. Cet état de choses se retrouve dans toutes les études où une compétitivité s’installe, mais aussi dans des professions telles que la chirurgie qui, au départ, est une spécialité essentiellement masculine. D’un autre côté, une femme a l’avantage de pouvoir utiliser certains arguments que n’ont pas les hommes.» Le Dr Demanet porte un regard positif sur la féminisation de la profession: «Je ne vois pas pourquoi les patients seraient moins bien soignés par une femme et j’ai un a priori positif envers les femmes qui travaillent en chirurgie. En salle d’opération, je m’entends bien avec les femmes anesthésistes et avec les infirmières. Je n’ai pas spécialement besoin de travailler exclusivement avec des hommes».

Evolution et dévalorisation

Comme dans tous les domaines de la médecine, la chirurgie a fait de grands progrès et les opérations du cœur donnent aujourd’hui d’excellents résultats. La chirurgie congénitale a aussi beaucoup progressé au cours des quinze dernières années, la plupart des malformations congénitales pouvant être corrigées. «Tous les stades d’une opération ont bénéficié des progrès de la médecine, qu’il s’agisse des techniques et des matériaux utilisés. Avec pour résultats, moins de séquelles pour le patient et un plus grand taux de survies. Nous essayons d’opérer de la façon la moins agressive possible, par exemple, en passant par un grand vaisseau ou par l’oreillette plutôt que de couper dans le muscle cardiaque.» Mais Hélène Demanet n’encouragerait personne à faire des études de médecine car «le travail est trop prenant et nous gagnons mal notre vie. En regard du nombre d’heures que je preste, de ma disponibilité et de mes responsabilités, mon salaire est dévalorisé. Evidemment, le fait de travailler dans un hôpital public a pour conséquence que l’on fait très peu de privé. Etant dépendants de l’argent public, nous fonctionnons dans une structure où les budgets son très serrés. Il est parfois très difficile d’obtenir du matériel dont nous avons pourtant besoin. Les disproportions de salaires entre les hôpitaux publics et privés sont énormes

Auteur : Colette Barbier
Source : Le Journal du Médecin (n° 1733 du 14/02/2006) - ©Lejournaldumedecin.com

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