La ministre de l’Enfance et de la Santé de la Communauté française, Catherine Fonck, a lancé un appel à toutes les maternités de la région pour qu’elles organisent un dépistage systématique de la surdité chez les nouveau-nés. Objectif: donner à tous ces enfants des chances de s’insérer le mieux possible dans la société.
Elles sont déjà 27 maternités à avoir signé, avec la Communauté française, la convention visant à respecter le programme de dépistage néonatal de la surdité. Depuis deux mois que les contacts sont pris entre les maternités et la Communauté, c’est donc plus de la moitié d’entre elles qui se sont engagées. Et cette liste compte les plus gros établissements de soins; c’est donc plus de la moitié de la population qui sera ainsi touchée. Ce dépistage systématique existe déjà dans d’autres pays (Canada, USA, Grande-Bretagne), mais aussi en Flandre, même s’il y a quelques divergences d’organisation avec nos voisins du Nord du pays.
« On a constaté qu'entre 1 et 3 nouveau-nés pour 1000 naissent avec une surdité bilatérale persistante supérieure à 40 dB. Un chiffre nettement plus élevé chez les enfants à risque comme les prématurés, ceux qui ont un taux de bilirubine élevé, ou encore ceux qui ont un bagage héréditaire. Mais limiter le dépistage à ces bébés à risque nous fait passer à côté de la moitié des enfants qui souffrent de surdité dans notre pays. Il est donc important d’instaurer un dépistage généralisé pour tous », affirme Catherine Fonck.
Donner des chances à l’enfant
Selon les études internationales menées dans les pays développés qui ne pratiquent pas ce dépistage systématique, l’âge moyen du diagnostic de la surdité à la naissance est de 2,2 ans; chez nous, il est estimé à 1 an et demi. Avec des conséquences négatives sur le développement de l’enfant, tant social que scolaire ou personnel, et son intégration dans la société… «Le résultat du processus éducatif est nettement meilleur lorsque l’enfant a été dépisté tôt et qu’un système adapté lui a été proposé. Si c’est le cas, l’intégration est réussie dans 89% des cas; si la prise en charge se fait à 5 ans, ce taux de réussite chute à 14%», poursuit la ministre.
En pratique, ce programme s’attache à proposer aux jeunes parents un dépistage en maternité, au troisième jour de vie du nouveau-né, alors que la maman et l’enfant sont toujours à la maternité, pour faciliter l’accès à ce test. Une participation maximale de 10 euros pourra être demandée aux parents.
«Les progrès en matière de dépistage de la surdité chez le nouveau-né sont importants. Nous disposons aujourd’hui de techniques objectives de dépistage et de diagnostic, contrairement à la réactométrie, qui était utilisée auparavant. Elle consistait à émettre un bruit et les réactions naturelles du bébé étaient relevées par 2 observateurs, de manière tout à fait subjective. Résultat, nous obtenions environ 30% de faux-négatifs. Aujourd’hui, nous utilisons l’otoémission acoustique provoquée en première intention, un système objectif: une petite sonde est introduite dans l’oreille du bébé calme, par exemple lorsqu’il dort. Elle va émettre un son d’environ 30 dB. Nous savons aujourd’hui que lorsque l’oreille « entend » un son, elle émet ensuite des sons très faibles, que nous pouvons amplifier et mesurer. Donc, lorsque la sonde émet le son, et si l’oreille ‘répond’ correctement, cela prouve que l’enfant a entendu le son. Par contre, si l’oreille n’émet pas de sons à son tour, il peut y avoir différentes explications, outre la surdité: présence de liquide derrière le tympan, ce qui n’est pas exceptionnel même 3 jours après la naissance, sécrétions dans l’oreille, etc. C’est pourquoi nous répétons le test le lendemain. S’il est toujours positif, le bébé sera alors adressé à la consultation ORL dans les 15 jours, idéalement, pour des potentiels évoqués auditifs, plus précis. Dans le mois qui suit la naissance, il est donc important d’avoir un diagnostic précis sur le plan auditif », explique le Dr Anne-Laure Mansbach, ORL pédiatrique à l’Hôpital des enfants Reine Fabiola à Bruxelles.
Pour les enfants qui quittent la maternité par exemple durant un long week-end et qui n’auraient pas pu bénéficier de ce test, les maternités collaboreront avec l’ONE qui, lors des visites de ses infirmières au domicile des jeunes parents, leur proposeront à nouveau de faire réaliser ce test.
Enfin, toutes les données des maternités seront recueillies par les 3 centres de dépistage néonatal de la Communauté française; quant à la coordination du programme, elle sera assurée par l’Ecole de Santé publique de l’ULB.
Une prise en charge adaptée
L’objectif de cette campagne vise à diagnostiquer le plus précocement possible la surdité du nouveau-né. Pas à diriger vers l’un ou l’autre traitement, comme le confirment tous les intervenants. En effet, les parents pourront opter, en toute connaissance de cause, pour la prise en charge qu’ils jugeront la plus adaptée à leur réalité, à leur enfant: communication signée, logopédie, appareillage, implants cochléaires… il n’est pas question ici de faire la promotion de k'une ou l'autre prise en charge, mais de donner à l’enfant un maximum de chances d’insertion dans la vie des entendants.
Des posters et brochures seront distribués dans les maternités, alors qu’un site internet sera opérationnel en décembre (www.depistagesurdite.be). En mars prochain, ce sera le tour des campagnes TV et radio dirigées vers le grand public.
Auteur : Carine Maillard
Source : Le Journal du Médecin
(n° 1795 du 24/11/2006) - ©Lejournaldumedecin.com