>>Le coeur a ses raisons...

Béatrice Peperstraete a choisi la médecine parce qu’elle ne supportait ni la souffrance ni la mort. Devenue cardiologue, elle travaille depuis 1977 au CHU Brugmann où elle est actuellement chef de clinique adjoint. Elle s’est d’abord spécialisée dans les dilatations coronaires, puis dans le traitement de la décompensation cardiaque.

L’attrait de Béatrice Peperstraete pour la médecine remonte à son enfance. Si la médecine lui semblait être une belle profession, l’idée qu’elle puisse devenir médecin ne l’a pas effleurée d’emblée. «Lorsque j’étais à l’école primaire, j’avais reçu un livre sur la vie de Pasteur, lequel m’avait assez impressionnée. J’ai par ailleurs sans doute été influencée par le médecin de famille, un homme dévoué et rassurant. Pendant mes humanités (gréco-latines), la médecine m’est petit à petit apparue comme la profession qui pourrait me rendre la plus utile pour autrui. Je me souviens avoir vu au cinéclub de l’école le film Il est minuit, Docteur Schweitzer. Ce film m’avait marquée et donné l’envie de partir en Afrique. Mais casanière et bourgeoise, je me suis vite rendu compte que je n’avais pas l’esprit suffisamment aventureux pour travailler en Afrique. D’autre part, j’ai pensé que je pourrais être tout aussi efficace en pratiquant la médecine en Belgique plutôt qu’en Afrique

Mais en 1968, la médecine au féminin semblait encore farfelue pour certains. «A l’école, les religieuses m’avaient prédit que je finirais ma vie dans un laboratoire. J’ai laissé dire et j’ai foncé

De la raison à l’amour

Agée de 17 ans, Béatrice Peperstraete entreprend ses études de médecine en 1968, à l’UCL. Elle termine en 1975 et se pose alors la question d’une spécialisation. «Beaucoup de branches m’intéressaient, en particulier la médecine interne.» Ainsi, de 1975 à 1977, le Dr Peperstraete a pratiqué la médecine interne à la clinique Sainte Elisabeth à Bruxelles. «Ensuite, j’avais la possibilité de choisir soit la pneumologie, soit la cardiologie. La première ne m’attirait pas et la seconde me faisait un peu peur… Dès lors, la cardiologie et moi, ce fut en premier lieu un mariage de raison, devenu ultérieurement un mariage d’amour.» Admise au post graduat en cardiologie à l’ULB, le Dr Peperstraete fut engagée pour six mois à l’hôpital Brugmann dans le département du Pr Michel Tellerman. «En 1977, il n’y avait pas de femme cardiologue dans le département. J’avais quand même l’impression de vivre une petite révolution… Après quoi, il était prévu que j’aille à l’hôpital Saint-Pierre, mais le Pr Tellerman m’a proposé de rester à l’hôpital Brugmann, et voilà 30 ans que j’y suis

Au début, la jeune femme fut chargée de s’occuper de la cardiologie isotopique, un nouveau domaine pour l’époque. C’est dans ce domaine qu’elle présenta une thèse d’agrégation de l’enseignement supérieur en 1985. Entre-temps, la coronarographie et l’angioplastie coronaire se développaient. «Historiquement, la coronarographie était entre les mains des radiologues. En raison du développement de l’angioplastie coronaire, la coronarographie a été prise en charge par les cardiologues. Les techniques invasives m’effrayaient un peu au début mais j’y ai pris goût par la suite. Après avoir pratiqué de nombreuses coronarographies, j’ai été formée à l’angioplastie coronaire dans le service du Pr Bertrand à l’Hôpital cardiologique de Lille. A l’époque, j’étais la seule femme, avec Suzanne Pourbaix à Liège, à faire des dilatations coronaires en Belgique.» C’est ainsi que le Dr Peperstraete introduisit l’angioplastie coronaire à l’hôpital Brugmann, en 1986. Elle a ensuite formé plusieurs médecins à cette technique.

Préférence pour la pratique clinique

Aujourd’hui, la cardiologue fait moins d’actes techniques, revenant à ses premières amours, la clinique. Elle pratique cependant encore des coronarographies et des dilatations, notamment lors des gardes appelables. «Pouvoir aider un patient par une dilatation coronaire en urgence, alors qu’il est sous la menace d’un infarctus, est très gratifiant.» Les consultations représentent actuellement plus de la moitié de son activité et englobent la cardiologie générale, l’insuffisance cardiaque et, depuis peu, l’hypertension artérielle. «Dans mon métier, j’ai toujours eu une préférence pour la clinique qui, aujourd’hui encore, reste primordiale pour moi.» Le Dr Peperstraete se consacre encore avec beaucoup d’intérêt à la cardiologie isotopique en collaboration avec le Dr Ph. Martin de la médecine nucléaire. Cette collaboration lui permet de faire, dans la mesure du possible, de la recherche clinique: «une sorte de bouffée d’oxygène intellectuelle!».

Si elle est heureuse de venir en aide aux patients et de les encourager, la mort reste pour le Béatrice Peperstraete un moment très douloureux. «Il est évidemment impossible d’éviter les échecs mais ils sont pénibles à vivre. J’avais choisi de faire la médecine car je ne supportais ni la maladie ni la mort. J’encourage au maximum mes patients, je veille à leur donner l’espoir jusqu’à la fin. Il m’arrive cependant de culpabiliser parce que je vais rarement au chevet de mes patients en phase terminale. Je me dis que je les abandonne peut-être mais, face à la mort, je ressens un immense sentiment d’échec et de tristesse

Au niveau des pathologies cardiaques, l’insuffisance cardiaque est la plus lourde et son traitement reste, malgré tout, décevant. «Quoi que l’on fasse, il existe actuellement peu de remèdes miracles pour traiter les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque. La décompensation cardiaque terminale, nécessitant des hospitalisations répétées, est aussi perfide que les affections néoplasiques.» Très sensibilisée par ce problème, la spécialiste fait partie du Belgian Working Group of Heart Failure. Elle a également développé une consultation d’insuffisance cardiaque dans le cadre de la clinique de jour en gériatrie. «De nombreux insuffisants cardiaques sont, dans nos pays européens du moins, des patients âgés. Mais je voudrais élargir cette consultation à d’autres catégories de patients

Célibat et travail

Béatrice Peperstraete est restée célibataire. «Peut-être un peu par esprit d’indépendance et probablement aussi parce que je n’ai pas rencontré l’homme dont je rêvais.» Le fait d’être célibataire n’empêche pas la spécialiste d’avoir une vie de famille relativement chargée. En conséquence, elle tâche d’équilibrer harmonieusement sa vie professionnelle et privée. «Je donne mon temps durant toute la semaine à ma vie professionnelle que j’exerce à temps plein. Si j’avais eu des enfants, je n’aurais probablement pas travaillé dans un hôpital. Je me serais plutôt dirigée vers le privé de manière à mieux adapter le rythme de travail et garder du temps pour la vie de famille. J’admire les mères de famille qui ont continué une carrière hospitalière. Je constate cependant qu’il n’est pas évident pour les jeunes femmes médecins de concilier vie professionnelle et familiale

Le Dr Peperstraete contemple avec bonheur l’évolution de sa carrière. «Mon travail a dépassé toutes mes espérances. Je dois beaucoup au Pr Tellerman qui m’a permis de poursuivre ma carrière à l’hôpital Brugmann, ce qui n’était pas évident à mon arrivée.» Jetant un regard sur l’avenir, la cardiologue souhaite mettre un point final à sa carrière en laissant une clinique d’insuffisance cardiaque digne de ce nom où il sera possible de concilier à la fois consultations et hospitalisations. «Je ne sais pas à quel âge j’arrêterai de travailler car j’aime beaucoup mon métier. Cela dépend de tellement de choses...»

Auteur : Colette Barbier
Source : Le Journal du Médecin (n° 1906 du 28/03/2008) - ©Lejournaldumedecin.com

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