Discipline pointue, la chirurgie fœtale n'est pratiquée que
dans quelques grands centres à travers le monde. Depuis plusieurs mois, le CHU Brugmann
et l'hôpital Érasme collaborent
pour proposer ce type de traitement à Bruxelles.
Grâce au développement des techniques d'échographie, il est actuellement possible de diagnostiquer un grand nombre de maladies ou de malformations avant même la naissance. Une évolution qui permet de décider en connaissance de cause si un traitement in utero peut être envisagé. Dans certains cas, l'anomalie nécessite un traitement médicamenteux, dans d'autres, une intervention invasive, parfois très complexe. Un exemple: le traitement du syndrome transfuseur-transfusé, technique maîtrisée par quelques chirurgiens seulement de par le monde. "Les fœtus issus de grossesses gémellaires monochorioniques (développement dans le même placenta de deux fœtus issus d'un seul ovule fécondé) sont reliés par des vaisseaux sanguins et s'échangent du sang", explique le Pr Jacques Jani, chef du service de gynécologie et obstétrique et spécialiste des thérapies fœtales. "En principe, cet échange de sang est équilibré. Lorsque ce n'est pas le cas, le traitement le plus efficace consiste à coaguler durant la grossesse les vaisseaux placentaires reliant les jumeaux entre eux. Non traité, ce syndrome entraîne dans la plupart des cas le décès des deux fœtus."
Interventions minimalement invasives
Développé en Europe, où les spécialistes
en chirurgie fœtale sont des gynécologues maîtrisant à la perfection les techniques d'échographie et de ponctions,
le traitement du syndrome transfuseur-transfusé est l'une des applications d'une
technique appelée fœtoscopie. "Sous
contrôle échographique, des endoscopes – tubes optiques épais de 1 à 2 mm
seulement – sont introduits par le biais
de petites incisions pour examiner
le placenta et guider les instruments
chirurgicaux. Dans le cas du syndrome
transfuseur-transfusé, les vaisseaux
sont coagulés au laser. En procédant de
la sorte, le risque de fausse couche est
sensiblement réduit." Encore au stade
embryonnaire aux États-Unis, la fœtoscopie devrait avoir un destin semblable à celui de la laparoscopie (interventions pratiquées par endoscopie dans la cavité
abdominale). Il y a quelques dizaines
d'années, peu de chirurgiens pratiquaient
ce genre d'opérations. Actuellement, on
n'imagine même plus opérer à ventre
ouvert pour la plupart des interventions
abdominales.
Des maladies et malformations relativement rares
"La chirurgie fœtale n'en est qu'à ses débuts. Il y a donc une certaine fiertéà développer des techniques qui sauveront peut-être des centaines de vies dans les années à venir. Opérer sur un fœtus, c'est aussi entrer dans un monde qui, jusqu'il n'y a pas très longtemps, était encore mystérieux. Dans la mesure où on agit sur une vie avant la naissance, les interventions in utero frôlent un peu la science-fiction". À l'heure actuelle, seules quelques maladies et malformations peuvent être traitées par le biais de la chirurgie fœtale: le syndrome transfuseur-transfusé, l'hernie diaphragmatique (anomalie caractérisée par la remontée du foie, de la rate et de l'intestin vers le thorax et traitée par placement d'un ballonnet dans la trachée du fœtus), le spina bifida (malformation congénitale de la colonne vertébrale) et certaines malformations cardiaques.
Collaboration au sein du réseau hospitalier ULB
Des anomalies relativement rares. En
Belgique, seuls 6 ou 7 cas d'hernies
diaphragmatiques entrent chaque année
dans les critères pour être opérés. Pour
avoir suffisamment d'expérience, les
spécialistes en chirurgie fœtale sont
donc amenés à travailler dans différents hôpitaux. "J'opère régulièrement
dans trois grands centres de médecine
fœtale: Paris, Lille, et Londres. Des collaborations avec plusieurs autres centres en Europe vont également bientôt
débuter. Je peux ainsi m'assurer une expérience de plus de 100 cas par an",
précise le Pr Jani. Les indications de la
chirurgie fœtale étant assez réduites, le
nombre de centres spécialisés est limité.
Jusqu'à présent, seule la KUL était capable de traiter de tels cas en Belgique.
"Nous travaillons aujourd'hui avec les
maternités universitaires du réseau
hospitalier de l'ULB pour offrir l'accès à ces techniques de manière concertée
et coordonnée à Bruxelles", poursuit le
Pr Jani. "En six mois, nous avons déjà
pu opérer une dizaine de cas. L'hôpital Érasme ayant investi dans l'achat de
matériel de fœtoscopie, toutes les opérations in utero se déroulent là-bas. Mon objectif est de garder au sein du réseau
de l'ULB un seul centre de pointe pour
le traitement de ces maladies rares, ce
qui n'empêche pas de garder une excellente collaboration avec les différentes équipes au sein de ce réseau, mais également de former au sein de mon
service au CHU Brugmann une ou deux
personne(s) qui se déplaceront à l'hôpital Érasme mais également à l'étranger et
serai(en)t capable(s) de m'assister pour
ce type d'intervention."
Auteur : Aurélie Bastin
Source : Osiris News
(n°
14, mars-mai 2009)