Après avoir dirigé la clinique d'ophtalmologie du CHUB pendant près de 25 ans, Claire Verougstraete tire sa révérence. Retour sur la carrière d'une praticienne brillante, pugnace et très attachante dans les rapports humains.
Si Claire Verougstraete est devenue ophtalmologue un peu par hasard, sa carrière n'en est pas moins émaillée de nombreux succès. Son énergie et sa détermination sans limite ont permis à la Clinique d'Ophtalmologie du CHU Brugmann de devenir ce qu'elle est aujourd'hui. "J'avais d'abord choisi de me spécialiser en pédiatrie, mais j'ai dû revoir mes plans", explique Claire Verougstraete. Il faut dire que concilier un post-graduat en pédiatrie, un enfant en bas âge, un mari en post-graduat en gynécologie et donc un total de 12 gardes par mois à deux relevait presque de la quadrature du cercle. Après un an de pédiatrie, la jeune femme en a assez de ce rythme effréné et réoriente sa carrière: elle sera ophtalmologue.
Londres plutôt que le Kivu
Deux années et un enfant plus tard, le
couple décide de se mettre au service
de la coopération au développement.
Direction le Kivu, enfin presque… "Tout était organisé! Le matériel médical était
prêt et nos valises étaient bouclées." Une
semaine avant le départ, le mari de Claire
Verougstraete connaît des problèmes de
santé. Départ annulé. Au même moment,
le CHUB se lance dans la fluorographie,
une nouvelle méthode de diagnostic pour les maladies de la rétine. Épaulée
par Daniel Toussaint, chef de la clinique d'ophtalmologie à l'époque, Claire
Verougstraete développe cette technique, mais n'entend pas s'en contenter.
"Lorsqu'un hôpital devient très performant pour poser un diagnostic, il doit également proposer des traitements de
pointe. Nous nous sommes donc intéressés au traitement laser de la rétine,
une innovation à l'époque." Direction
Londres, où l'ophtalmologue va se perfectionner. Le Pr Verougstraete profite
des fréquentes vacances familiales en
Cornouailles pour faire des sauts dans la
capitale britannique. "Mon mari et mes
enfants me déposaient à Londres à l'aller,
j'y apprenais la technique pendant quelques jours, puis je les rejoignais. Idem
au retour." Ensuite, c'est aux États-Unis
qu'elle se rendra pendant trois mois. En
85, la globe-trotteuse pose ses valises et
prend la tête du service d'ophtalmologie.
Toutefois, elle ne cessera pas de voyager
d'un hôpital belge à l'autre. "Les échanges entre les différents services d'ophtalmologie sont capitaux. Ils permettent de
bénéficier des connaissances des autres et de partager les siennes, d'avancer
ensemble en somme."
Un centre de basse vision
Si les techniques de pointe permettent de mieux traiter la cécité, elles ne peuvent faire de miracle. "Nous pouvons stabiliser la vue de nos patients mais pas systématiquement leur rendre une bonne vision. Les personnes opérées sont souvent perdues lorsque le traitement médical prend fin. Les aider à apprivoiser leur handicap me semblait une nécessité." Motivée et riche d'idées piochées en Suède, dans un grand centre pour malvoyants, Claire Verougstraete réussit à convaincre les autorités de l'importance d'un tel centre. En 1998, le centre de rééducation visuelle voit le jour. Un dispositif qui, en 2003, deviendra le centre de rééducation fonctionnelle HORUS (voir encadré).
Garantir un accueil de qualité
Forte de ce succès, Claire Verougstraete
s'attelle à l'amélioration de la clinique.
"Le service d'ophtalmologie était réputé pour être l'endroit de l'hôpital où le
cm2 était le plus rentabilisé, c'est dire
si nous y étions à l'étroit! Les locaux
devenaient vétustes et ne permettaient
plus un accueil assez convivial. Il fallait
déménager." Une bataille que Claire
Verougstraete mène de main de maître
tout en inculquant à son équipe sa philosophie: le sourire est le premier traitement qui mène à la guérison. "Je suis
vraiment très heureuse d'avoir réussi à transmettre mon souci d'un accueil de
qualité où chaque patient se sent compris et écouté", précise-t-elle.
Place aux jeunes
Lorsqu'on demande à Claire Verougstraete comment elle imagine son départ à la retraite en septembre 2009, elle dit partir sereine. "Depuis quelques années, je mets mon équipe à contribution au moment de prendre des décisions importantes. Ils sont tout à fait préparés à prendre la relève, je n'ai aucun doute à ce propos. Il s'agit d'une très bonne équipe qui n'aura de cesse de perfectionner le service." Quant à elle: "Je vais profiter de ma retraite pour voir grandir mes quatre petites-filles. Je vais aussi troquer la littérature ophtalmique contre celle du monde entier". Et qui sait, Claire Verougstraete échangera peut-être son tablier d'ophtalmologue pour celui de restauratrice d'œuvres d'art, une activité qui l'attire depuis longtemps.
Auteur : Elise Dubuisson
Source : Osiris News
(n°
16, septembre-novembre 2009)