>>L'électrophysiologie cardiaque, du diagnostic au traitement

Un courant est envoyé via un cathéter...Salle d'électrophysiologie cardiaqueDepuis le début des années 90, l'électrophysiologie cardiaque permet de traiter de nombreuses arythmies rapides du cœur. Le CHU Brugmann est actuellement un des seuls centres belges à prendre en charge la fibrillation auriculaire persistante, considérée comme la pathologie la plus difficile à traiter par cette technique.

L'électrophysiologie cardiaque en tant que technique thérapeutique a été introduite au CHU Brugmann en 1992. "Avant cela, l'électrophysiologie était utilisée comme technique diagnostique. Elle permettait d'étudier électriquement le cœur, mais il n'y avait pas de possibilité thérapeutique", explique le Dr Thierry Verbeet, cardiologue et spécialiste en électrophysiologie cardiaque. "Nous aidions simplement le chirurgien à repérer les anomalies électriques lors d'interventions à thorax ouvert car ces anomalies ne sont pas visibles. Puis, vers 1992, nous avons pratiqué les premières interventions par cathétérisme (introduction d'un tuyau fin et souple jusqu'au cœur via une artère)." L'électrophysiologie va dès lors servir non seulement à repérer les anomalies électriques, mais aussi à les détruire afin de supprimer le phénomène d'arythmie (irrégularité des contractions cardiaques). "Nous avons d'une certaine façon reproduit le travail chirurgical, à ceci près que les lésions qui en résultent sont de bien plus petite taille… et les résultats bien meilleurs."

La fibrillation auriculaire: 50% de l'activité

Les premiers patients soignés grâce à l'électrophysiologie cardiaque souffraient de tachycardie paroxystique (battements de cœur trop rapides survenant par crise). Mais depuis 10 ans, cette technique permet aussi de traiter la fibrillation auriculaire (cf. encadré), forme d'arythmie la plus courante. Au CHU Brugmann, elle représente actuellement environ 50% de l'activité en électrophysiologie cardiaque, soit plusieurs interventions par semaine. Outre le Dr Thierry Verbeet, l'équipe d'électrophysiologie interventionelle est actuellement constituée du Dr José Castro et du Dr Sébastien Knecht. Ce dernier s'est spécialisé, lors d'un séjour à Bordeaux, dans le traitement de la fibrillation auriculaire par cette technique. Il nous rapporte le cas d'une patiente récemment accueillie au CHU Brugmann. "Nous avons traité une patiente d'une cinquantaine d'années qui n'avait jamais eu de maladie cardiaque. Il y a quatre mois, elle a présenté une fibrillation auriculaire. Elle a été hospitalisée, mais s'est révélée résistante au traitement médicamenteux et au choc électrique externe."

Deux techniques différentes

L'électrophysiologie représente donc la seule solution pour cette patiente.
Concrètement, l'intervention, qui ne nécessite pas d'anesthésie générale, dure entre deux et quatre heures. Un cathéter est d'abord introduit, via l'aine, dans la veine fémorale pour atteindre les veines pulmonaires, où la fibrillation (contraction anarchique des fibres cardiaques) prend son origine. Un courant de haute fréquence est alors envoyé, via le cathéter, jusqu'à cette zone d'anomalie électrique. Ce courant va créer un échauffement progressif des tissus, puis leur destruction. Appelée "radiofréquence", cette technique permet de détruire avec une grande précision la zone à l'origine de l'arythmie cardiaque.
Une autre technique, appelée cryothérapie, est parfois aussi utilisée. La destruction de la zone à traiter est alors réalisée non pas en échauffant, mais en refroidissant les tissus… à - 80 degrés. Dans le cas de la fibrillation auriculaire, c'est la radiofréquence qui est la technique la plus utilisée.Ecrans de contrôle

80 à 90% de réussite

Une fois les veines pulmonaires traitées, les autres foyers électriques éventuellement présents sont à leur tour repérés et détruits. "Dans le cas de cette patiente, nous sommes parvenus à arrêter la firillation et elle a pu sortir le lendemain." Dans 50% des cas de fibrillation auriculaire persistante, il faut cependant procéder à une seconde intervention quelques mois plus tard. Reste que l'utilisation de cette technique dans le traitement de la fibrillation auriculaire affiche un taux de réussite important, qui varie de 80 à 90%, selon l'ancienneté de la fibrillation. "L'intervention est beaucoup plus compliquée si la fibrillation est continue depuis plusieurs mois, voire plusieurs années." C'est pourquoi, sur les 15 centres qui pratiquent cette technique dans le traitement de la fibrillation auriculaire en Belgique, seuls quelques-uns traitent la fibrillation persistante. Le CHU Brugmann en fait partie. L'ouverture d'une deuxième salle d'électrophysiologie cardiaque en décembre 2009 confirme le rôle privilégié de l'établissement dans ce domaine.

:: Qu'est-ce que la fibrillation auriculaire ? ::
>La fibrillation (contraction anarchique de fibres musculaires) est dite "auriculaire" car elle se situe au niveau des oreillettes du cœur. Cette activité électrique désordonnée se répercute également sur les ventricules qui ne parviennent plus à se contracter à un rythme normal et régulier.
>La fibrillation auriculaire touche 3% des plus de 60 ans et 10% des plus de 80 ans.
>Elle peut provoquer un essoufflement ou des palpitations mais se manifeste parfois par une absence de symptômes.
>Elle est généralement dite persistante lorsqu'elle dure plus d'une semaine.
:: Les complications :: Comme toute technique, l'électrophysiologie cardiaque peut entraîner certaines complications (de l'ordre de 2% environ dans la fibrillation auriculaire persistante). Celles-ci sont principalement de deux types :
>la tamponnade : du sang s'accumule autour du cœur et doit alors être ponctionné;
>l'embolisation : le risque de présenter un accident vasculaire cérébral (AVC) d'origine embolique durant l'intervention est d'environ 0,5%. Mais en soi, la fibrillation auriculaire fait encourir un risque d'AVC de l'ordre de 2% par an.

Auteur : Julie Luong
Source : Osiris News (n° 17, décembre 2009-février 2010)

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