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Dr José Castro et une valve aortiqueUn programme d’implantation de valve aortique par voie percutanée vient d'être adopté avec circonspection par le CHU Brugmann. Cette technique devrait permettre de soigner quelques patients prudemment sélectionnés chez qui une opération à cœur ouvert est trop risquée.

Depuis plusieurs mois, François, 76 ans, éprouve des difficultés à respirer. Sa tolérance à l'effort est de plus en plus limitée et il ressent régulièrement une douleur lancinante dans la poitrine. Après examens médicaux, le verdict est sans appel: l'implantation d'une nouvelle valve aortique s'impose. Mais le cas de François n'est pas simple. Son état de santé n'est pas suffisamment bon pour supporter une intervention à cœur ouvert…
Une implantation de valve aortique via l'artère fémorale est envisagée. Une technique qui sera adoptée par le CHU Brugmann à l'automne 2010.

Tantôt par le thorax, tantôt par l'artère

"Située du côté gauche du cœur, la valve aortique s'ouvre et se referme pour laisser passer le sang du cœur vers les organes. Mais elle peut s'obstruer et ne plus remplir correctement cette fonction. On parle alors de sténose aortique", détaille le Dr José Castro, chef de clinique adjoint au département de cardiologie du CHU Brugmann. "Le cœur doit se contracter plus fort et se fatigue. Cette maladie qui touche surtout les personnes âgées est l’indication de chirurgie cardiaque la plus fréquente après les pontages coronaires." Lorsque les symptômes apparaissent – essoufflement, angine de poitrine, pertes de connaissance – le pronostic est mauvais et le placement d'une prothèse devient nécessaire. "Plusieurs approches sont envisageables. Le traitement classique consiste à ouvrir le thorax du patient. Il faut arrêter le cœur, dévier la circulation sanguine le temps de l'opération et remplacer la valve défaillante par une valve mécanique métallique ou une valve biologique d'origine animale. Depuis peu, il est également possible de placer une nouvelle valve montée sur un support métallique par voie percutanée. La petite taille de cette prothèse permet de la faire circuler à l'aide d'un cathéter à travers le réseau artériel depuis l'aine. Arrivée au cœur, la nouvelle valve prend la place de l'ancienne et commence à fonctionner presque instantanément tandis que le cathéter est tiré vers l'extérieur"

Dr José CastroUne alternative pour des patients non opérables

La première option (à cœur ouvert) est la plus fréquemment appliquée: la technique est utilisée de longue date et a déjà fait ses preuves. Cependant, l'opération ne peut pas toujours être proposée en raison de la fragilité du patient ou de certaines contraintes techniques.
"Nous étions auparavant démunis face au risque de mortalité très élevé de la maladie: 20% de ces patients décédaient dans l’année." Une intervention par le biais de l'artère fémorale peut aujourd’hui être une solution. "Bien que cette technique soit déjà appliquée dans certains pays d'Europe comme la France et l'Allemagne, des études sont encore en cours aux États-Unis pour évaluer avec précision son effi cacité par rapport à la chirurgie traditionnelle. Il n'est donc pas du tout question d'y recourir d’office chez tous les patients, mais uniquement chez ceux qui ne peuvent pas supporter l'opération à cœur ouvert", précise le Dr Castro.

:: Un centre de référence contre les pathologies cardiaques :: Le CHU Brugmann est l'un des piliers belges dans le traitement des affections cardiaques. Il offre un programme de prise en charge complet aussi bien médical que chirurgical. "Le CHU Brugmann compte une population importante de personnes âgées. La sténose aortique est une maladie que nous sommes amenés à rencontrer régulièrement. Il était donc logique de former des médecins à la technique d'implantation de valve aortique par voie fémorale. Nous devons pouvoir proposer à nos patients l'intervention qui convient le mieux à leur état de santé."
:: Valves aortiques à implantation percutanée : quelques dates ::
>2003 : La technique commence à être appliquée en France
>2008 : Quelques hôpitaux belges implantent des valves aortiques en passant par l'aine
>2009 : Les États-Unis lancent une étude pour évaluer l'efficacité de la technique
>2010 : Le CHU Brugmann se prépare à pratiquer la technique dans certaines situations prudemment sélectionnées
:: Bémol financier :: L'Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) ne prend pas encore en charge cette intervention. Elle reste donc très coûteuse par rapport à l'intervention classique.
Pour la prothèse chirurgicale, il faut compter 3.500 € (pris en charge par l’INAMI) contre environ 20.000 € pour la prothèse percutanée (à charge de l’institution). Cependant, si les résultats des études américaines sont concluants, la donne pourrait changer. Ces derniers sont attendus pour le courant de cette année. "En attendant le CHU Brugmann a débloqué un budget permettant à quelques patients non opérables de bénéficier de cette nouvelle technique."

Auteur : Elise Dubuisson
Source : Osiris News (n° 19, juin-août 2010)