Le Dr Anne-Sophie Hambÿe est la nouvelle chef de clinique du service de Médecine nucléaire. Une spécialité trop peu connue, qui a beaucoup évolué avec l'avènement des nouvelles technologies, victime de certains préjugés et pourtant très utile pour le diagnostic et le suivi de nombreuses pathologies !
Vous avez travaillé dans plusieurs hôpitaux, en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles. Pourquoi et comment avez-vous atterri dans le service de Médecine nucléaire de Brugmann ?
Pendant longtemps, j'ai refusé de faire une carrière universitaire pour pouvoir m'occuper de mes trois enfants. Mais ils ont grandi, et j'éprouvais depuis quelque temps l'envie de me rapprocher du monde universitaire, notamment pour les possibilités de recherche. Lorsque j'ai appris que le poste de chef de clinique s'ouvrait, j'ai postulé et j'ai été engagée. J'ai été agréablement surprise par le service: l'équipe médicale et infirmière travaille très bien. Il y règne une cohésion, une solidarité et surtout une cohérence sur lesquelles tout le monde se rejoint: l'intérêt du patient passe avant tout. Cerise sur le gâteau, j'adore l'architecture "art nouveau et art déco"; le site Horta est magnifique!
Selon vous, quels sont les grands défis de la médecine nucléaire dans les prochaines années?
J'en vois au moins deux. Le premier
sera d'abord de survivre! Le nucléaire
n'a pas bonne presse, même dans ses
applications médicales. Pendant un
an, nous avons connu des problèmes d'approvisionnement en Technétium,
l'un des produits que nous utilisons le
plus. Il est fabriqué dans des centrales nucléaires qui ont au moins cinquante
ans. Or, à cause de l'impopularité du
nucléaire, on ne se dépêche pas de les
remplacer, ni d'améliorer les systèmes
de production…
Nous avons aussi un problème de
reconnaissance. Les nucléaristes sont
parfois considérés par les autres médecins comme de gentils hurluberlus qui
font de belles images en couleur! Or,
nos examens mettent en évidence des
lésions que radios, scanners et même
IRM ne détectent pas… Les fractures de
fatigue, par exemple, ne sont souvent
visibles sur la radio qu'après deux ou
trois semaines. Alors qu'avec une scintigraphie osseuse, nous les diagnostiquons presque tout de suite!
Le second défi de la médecine nucléaire
sera d'intégrer l'utilisation des machines
hybrides à notre pratique quotidienne, et
surtout à la formation des futurs nucléaristes. Le PET-CT, par exemple, combine
un examen de médecine nucléaire (le
PET Scan) et un scanner RX, qui relève
de la radiologie. Les deux spécialités
d'imagerie ont des approches et des
réputations différentes… Pourtant, avec
les machines hybrides, les synergies sont telles qu'une collaboration s'avère
nécessaire, pour ne pas dire indispensable… À terme, je pense que radiologie et médecine nucléaire finiront par
fusionner.
D'un point de vue médical, et par rapport à la radiologie, qu'apporte la médecine nucléaire?
Alors que la radiologie conventionnelle donne essentiellement des informations anatomiques, la médecine nucléaire est imbattable pour étudier le fonctionnement de toutes les parties du corps, du cerveau au petit orteil. Incontournable dans le diagnostic et le suivi des cancers, elle peut aussi être utile dans le cadre des maladies inflammatoires, neurologiques (tumeurs, Alzheimer, Parkinson, épilepsie, etc.), des fièvres récurrentes dont on ne trouve pas l'origine, dans le diagnostic et le suivi de certaines pathologies cardiaques et même dans le traitement de certaines maladies de la thyroïde.
Quels sont les grands chantiers en cours au service de Médecine nucléaire du CHU Brugmann?
L'Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire
est en train de réaliser un audit de
qualité dans tous les services de médecine nucléaire de Belgique. Il faut écrire
toutes les procédures et protocoles pour
cet été. C'est un gros travail…
Nous réfléchissons aussi à la façon d'intégrer et de stocker toutes nos images
dans le PACS, le système d'archivage
informatique des images de l'hôpital. Au
CHU Brugmann, presque tous les services y sont déjà connectés, sauf nous!
Du coup, hormis celui qui les a prescrites, les autres médecins ne voient pas
nos images, ils n'ont pour l'instant que
l'accès aux comptes rendus. Nous espérons être dans le PACS en 2013.
Enfin, à titre personnel, j'essaie de promouvoir la médecine nucléaire au sein
de l'hôpital, notamment en allant à la rencontre de mes confrères et consœurs des
autres services avec qui la collaboration et
la complémentarité sont indispensables.
Auteur : Candice Leblanc
Source : Osiris News
(n°
27, juin-août 2012)