>>L'hôpital la nuit : chuuut... on soigne !

Hôpital la nuit

Que devient l’hôpital à la tombée de la nuit ? Pour le savoir, Osiris News s’est laissé guider par Sonia, monitrice de nuit, dans les dédales de l’hôpital pavillonnaire du site Horta.

Site Horta, 19 h. À l’heure où Sonia franchit le portail d’entrée de l’imposante bâtisse, ses collègues de la journée quittent l’établissement.

Couloir d'hôpital la nuit

Sonia est la monitrice de nuit : le «chef d’orchestre» des différents acteurs de la vie nocturne de l’hôpital.

«J’assure la continuité du travail de la direction», explique-t-elle. «C’est moi que l’on appelle en cas de problème, que ce soit au niveau logistique, infirmier, médical, de la sécurité ou encore de la gestion du personnel… Je m’assure que tout "roule", que tout le monde applique les procédures et que des soins de qualité sont dispensés aux patients. C’est une fonction très vaste et très variée !».

Infirmière de formation, Sonia est également détentrice d’une licence en sciences hospitalières. Elle a toujours été monitrice de nuit. «J’ai commencé à l’Institut Bordet, en oncologie», retrace-t-elle. «Puis je suis venue au CHU Brugmann, attirée par la diversité des pathologies que l’on y rencontre

A la tombée de la nuit

Sonia enfile sa blouse blanche. Elle s’apprête à entamer sa tournée et à nous guider dans les dédales des pavillons plongés dans l’obscurité. Tandis que les couloirs de l’hôpital se vident peu à peu, le calme s’installe et, bientôt, l’atmosphère est tout autre. Le rythme est différent, le temps semble tourner au ralenti par rapport à la frénésie de la journée. En bruit de fond: un tube des années 80, diffusé sur une radio en sourdine. Mais ce calme n’est qu’apparent: les moniteurs continuent d’émettre un «bip bip» régulier qu’il faut garder à l’oeil, une perfusion est posée, un téléphone sonne: «La vie continue la nuit», sourit Sonia.

Témoignages

Sonia

Sonia, monitrice de nuit :

«La nuit, les relations sont différentes: l’entraide entre soignants est renforcée et un contact privilégié s’établit avec le patient

Hélène

Unité d'infectiologie, 0h03 :

«J’ai commencé à travailler de nuit pour des raisons familiales. Avec quatre enfants, c’était plus facile. Puis je me suis rendu compte que j’appréciais cette ambiance, ce calme.» (Hélène, veilleuse de nuit)

Stroke Unit, 0h34 :

Souad

«On nous considère parfois comme de simples veilleuses, mais nous sommes des infirmières de nuit! Nous assurons la continuité des soins de la journée. À la Stroke Unit, nous accueillons des patients post-AVC. Nous devons les surveiller et agir rapidement si nous suspectons une récidive. Mais nous avons la chance d’avoir un très bon contact avec nos médecins. Nous pouvons notamment contacter le Dr Gazagnes (NDLR: chef de clinique) à toute heure de la nuit, qu’elle soit ou non de garde. C’est important pour nous parce que nous nous sentons soutenues. Nous savons aussi que nous pouvons compter sur nos monitrices de nuit. Quand ça va moins bien, que nous avons trop de travail ou moins le moral, ça nous fait du bien de pouvoir discuter, prendre un café, faire le point sur la salle.» (Souad, veilleuse de nuit)

Memnune

Urgences, 0h53 :

«J’accueille les personnes qui se présentent aux Urgences, je prépare leur dossier médical et le transmets aux infirmiers qui prennent en charge le patient avant de le transférer aux médecins si nécessaire. Je travaille de nuit depuis treize ans. C’est un rythme que je préfère. Mon corps s’y est habitué.» (Memnune, réceptionniste à l'accueil des Urgences)

Saïd (à droite)

«Il arrive que les patients soient plus agressifs qu’en journée, qu’ils s’impatientent. En tant que soignant, il faut alors rester le plus calme possible. Nous pouvons appeler la sécurité en cas de problème. Mais, en général, l’ambiance est plus décontractée la nuit, plus conviviale. La communication entre médecins et infirmiers est meilleure. Le dialogue est plus facile.» (Saïd, infirmier aux Urgences)

Judith

«Tous nos lits sont remplis mais cette nuit-ci est plutôt calme. C’est très variable… Je n’observe pas vraiment de différence avec la journée, si ce n’est que les patients ayant une pathologie qui ne nécessite pas une prise en charge aux urgences sont plus rares la nuit.» (Judith, médecin urgentiste)Ahmed

«Nous sommes deux pour effectuer l’entretien de tout l’hôpital: nous ramassons les sacs de linge et les poubelles, nettoyons les salles… Le principal avantage du travail de nuit c’est qu’il me permet de libérer du temps en journée.» (Ahmed, technicien de surface)

Espérance

Unité de gériatrie, 1h43 :

«Travailler la nuit m’aide à organiser ma vie familiale. Mais le travail de nuit reste conséquent! Heureusement, nous pouvons compter sur l’équipe mobile et sur les moniteurs de nuit pour nous épauler en cas de besoin.» (Espérance, veilleuse de nuit)

Noëlla

Unité de chirurgie et médecine, 2h33 :

«La nuit, nous sommes seules. Être isolé a ses avantages et ses inconvénients. Si le patient est agité ou qu’il a besoin de soins plus lourds, c’est parfois plus difficile. Mais le contact avec les patients est généralement meilleur. Nous avons plus de temps pour instaurer un climat de confiance.» (Noëlla, infirmière de nuit)

Martine (à gauche)

«Nous sommes une équipe de quatre infirmiers et aides-soignants. Nous sommes là pour venir en renfort aux unités qui manquent de personnel. Nous sommes parfois très sollicités; nous devons alors parvenir à établir des priorités. C’est évidemment le bien-être du patient qui nous guide dans nos décisions.» (Martine, aide-soignante dans l'équipe mobile)

Unité des soins intensifs, 3h01 :

Esther (à gauche)

«En tant qu’infirmières dans l’équipe mobile, nous sommes amenées à travailler dans différentes unités: les soins intensifs, les urgences, la salle de réveil… C’est très varié ! Mais la fonction reste la même: surveiller et stabiliser les patients pendant la nuit et, bien sûr, assurer la continuité des soins et en référer au médecin en cas de problème que nous ne sommes pas aptes à gérer.
Le travail de nuit permet plus d’autonomie en tant qu’infirmier. Comme nous sommes peu nombreux, nous ne sollicitons le médecin que si c’est vraiment nécessaire. Et, en cas d’admission d’un patient, nous devons composer avec cet effectif réduit tout en proposant la même qualité de soins qu’en journée.
J’apprécie aussi cette collaboration spontanée qui s’installe entre les collègues. Elle me paraît plus marquée que pendant la journée. Enfin, même si l’on manque de sommeil, l’ambiance reste très agréable
.» (Esther, infirmière dans l'équipe mobile de réanimation)

Auteur : Aude Dion
Source : Osiris News (n° 35, juin-août 2014)