>>Autonomie du patient : changer la relation soignant-soigné

Vivre ans voir, s'impliquer activement dans le maintien de sa santé, faire partie de la société malgré un handicap: l'autonomie du patient revêt de multiples formes. Quel rôle les équipes soignantes peuvent-elles jouer dans ce cadre ?

Horus

Horus

Des boules orange sur le sol qui guident le patient vers les bureaux d'Horus, aux cercles colorés sur les portes indiquant où se trouve la poignée, en passant par les stores installés aux fenêtres pour moduler la luminosité et s'adapter à la sensibilité de chacun: rien n'a été laissé au hasard lors de l'aménagement des tout nouveaux locaux d'Horus en juin 2014.

Un centre spécialisé dans la basse vision

Horus est né en 2003 d'une collaboration entre le CHU Brugmann, l'HUDERF et la Ligue Braille. Ce centre de rééducation visuelle bilingue accueille les personnes atteintes d'un handicap visuel. Objectif: les aider à vivre de la manière la plus autonome possible. «Être aveugle ou présenter une forte déficience visuelle induit de nombreuses limites au quotidien», souligne le Dr Fanny Depasse, ophtalmologue.
«Au cours de l'enfance, ce handicap perturbe le développement psychomoteur, la vie scolaire, les loisirs... Plus tard, la basse vision restreint les déplacements, la vie professionnelle mais aussi des activités comme lire, cuisiner, faire ses courses, prendre ses médicaments... Autant de tâches quotidiennes que le patient devra apprendre à réaliser sans voir

Faire "avec", pas "à la place"

«Notre rôle est d'accompagner ces patients présentant une basse vision», poursuit Mieke Vanmechelen, orthoptiste. «Non pas en faisant les choses "à leur place" mais en leur donnant les outils pour qu'ils puissent le faire eux-mêmes

Comment ? Soit en les aidant à optimaliser leurs «restes» visuels, soit en leur indiquant comment ils peuvent développer des sens et stratégies compensatoires à leur handicap. «Nous leur apprenons à s'appuyer sur un autre canal d'entrée que la vision, le toucher par exemple», explique le Dr Depasse. «Le programme de revalidation est construit "à la carte", en fonction des demandes, besoins et des disponibilités du patient

Voir le patient dans son ensemble

«Nous agissons sur des situations très concrètes mais l'impact positif de ce travail va au-delà de ces cas pratiques», observe le Dr Depasse. «Être autonome contribue en effet à prévenir les troubles de la santé mentale comme l'anxiété ou la dépression

«En ophtalmologie, les médecins examinent les yeux alors qu'au centre Horus, nous regardons le patient dans son ensemble, dans sa manière de fonctionner au quotidien avec son problème de vision», conclut Mieke Vanmechelen.

Indispensable pluridisciplinarité

«Travailler de manière cloisonnée est inconcevable si l'on veut favoriser l'autonomie du patient dans tous les domaines de sa vie», soutient le Dr Depasse. «Au centre Horus, chaque activité fait intervenir plusieurs disciplines. L'utilisation de la canne blanche, par exemple, implique le thérapeute en mobilité et le psychomotricien mais aussi le psychologue – parce que c'est un cap symbolique souvent difficile à franchir – et l'assistant social pour les démarches administratives et l'orientation éventuelle vers d'autres structures d'aide. Sans compter notre secrétaire, qui est une personne-relai importante pour le patient

Revalidation

Reine Astrid : décider de se soigner

Les équipes médicales et paramédicales du site Reine Astrid ont initié un vaste projet d'éducation du patient à son traitement médicamenteux. «L'initiative ayant été couronnée de succès, nous aimerions la pérenniser», annonce le Dr Agnieszka Gierasimowicz-Fontana.

«En revalidation, nous avons un rôle pivot: l'urgence est passée et nous sommes là pour aider les patients à retrouver leur autonomie, une notion qui recouvre leur capacité à se déplacer et réaliser seuls les activités de la vie quotidienne mais aussi à prendre eux-mêmes en charge la maladie qui les a conduits ici

«Les médicaments dont nous disposons sont efficaces mais les patients ne suivent pas toujours le traitement prescrit», déplore le Dr Gierasimowicz- Fontana. «Nous ne pouvons dès lors pas nous contenter de prescrire ces molécules; il faut accroître la motivation des patients à se soigner. Pour y parvenir, nous avons plusieurs pistes: simplifier et/ou adapter le traitement, investir dans la relation avec le patient et lui donner le choix - en lui fournissant des informations sur sa maladie et son traitement - de prendre la décision de se soigner

«De nombreuses études ont montré qu'une implication active du patient dans la prise en charge de sa santé entraîne une meilleure observance thérapeutique sur le long terme. Or une bonne adhésion au traitement réduit de moitié la mortalité liée aux nombreuses maladies chroniques

Le patient comme "partenaire de soins"

Dans l'optique de replacer le patient au centre de son projet d'autonomie, les équipes du site Reine Astrid ont aussi fait le pari de changer le modèle de relation entre le soignant et les soignés. «En cherchant à cerner ce qui empêche les patients de suivre correctement leur traitement et en travaillant sur leur motivation à se prendre en charge, nous en faisons des partenaires de soins», explique le Dr Gierasimowicz-Fontana.

«Mais nous nous sommes montrés particulièrement attentifs à trouver un équilibre entre autonomie et sécurité», souligne-t-elle. «Notre objectif n'est pas d'obtenir l'autonomie à tout prix; nous devons pouvoir dépister les patients qui ne seront pas en mesure de suivre leur traitement afin de mettre en place des stratégies de compensation

Auteur : Aude Dion
Source : Osiris News (n° 39, juin-août 2015)