>>La démarche « outcomes », pour se mettre dans la peau du patient

Prof. Anne Peretz, responsable qualité/sécurité, Prof. Jean-Marie de Meyer, Chef du Service d'Urologie, et Sarah Nyangore, collaboratrice qualité

La Cellule Qualité et le Service d’Urologie du CHU Brugmann se sont associés pour mener une étude pilote sur l’utilité et la faisabilité de la démarche «outcomes». Objectif: évaluer la qualité des soins prodigués aux patients en se basant sur leur point de vue.

Pour en savoir davantage sur le sujet, Osiris News est allé à la rencontre du Pr Jean-Marie de Meyer, Chef du Service d’Urologie, de Sarah Nyangore, collaboratrice qualité, et du Pr Anne Peretz, Chef de clinique de Rhumatologie et responsable qualité/sécurité.

Osiris News : qu'entend-on par "outcomes" ?

Pr Anne Peretz : Les «outcomes» sont des indicateurs obtenus en tenant compte, en plus des résultats cliniques habituels, de l’opinion des patients. On les appelle aussi «PROMS» (Patient Reported Outcomes Measures). Le principe est de recueillir le feedback du patient sur une intervention médicale ou chirurgicale en lui soumettant des questionnaires. Comment se sent-il? L’intervention qu’il a subie a-t-elle amélioré sa qualité de vie? Autant d’informations qui peuvent nous aider à évaluer nos pratiques. Bien sûr, des questions de ce type sont déjà posées, lors des consultations de suivi par exemple, mais cela ne se fait pas de manière aussi systématique et standardisée que ce que nous proposons.

Sur quoi portait l'étude pilote menée en collaboration avec le service d'Urologie ?

Pr Anne Peretz : Nous avons cherché à évaluer l’utilité et la faisabilité d’une démarche de type «outcomes» selon la méthodologie proposée par The International Consortium for Health Outcomes Measurement (ICHOM). Nous avions besoin d’un domaine d’application bien circonscrit, ce qui était possible en urologie.

Pr Jean-Marie de Meyer : Nous nous sommes intéressés à un petit groupe homogène de patients atteints d’une forme spécifique de cancer de la prostate. Ces patients ont tous été opérés à l’aide d’une technique appelée brachythérapie, intervention qui consiste à implanter des petits «grains» radioactifs dans la prostate. Nous avons choisi ensemble les questionnaires validés qui nous semblaient les plus adéquats dans ce cadre et les avons soumis aux patients qui avaient été opérés dans le service.

Sarah Nyangore : Les questions posées ciblaient des critères qui préoccupent réellement le patient, comme le degré d’incontinence ou la préservation de la fonction érectile. L’analyse des résultats obtenus nous a permis d’établir des «scores» de satisfaction des patients par rapport à l’impact de l’intervention sur leur qualité de vie (voir encadré).

En quoi cette démarche présente-t-elle une innovation ?

Pr Jean-Marie de Meyer : S’intéresser de manière active au point de vue du patient est une manière très différente d’appréhender les soins. En Belgique, le CHU Brugmann fait partie des pionniers dans le domaine. Il existe encore peu de questionnaires standardisés qui permettent de se mettre dans la peau du patient, ce qui rend d’ailleurs malaisée la comparaison des pratiques d’une institution à l’autre à l’heure actuelle.

Quelles seront les suites de ce projet ?

Sarah Nyangore : Les résultats de l’étude pilote nous ont convaincus de l’utilité et de la faisabilité de la démarche. D’ici quelques mois, nous la mettrons en routine. Auparavant, nous devons cependant encore trancher une série de questions pratiques. Quels résultats cherchons-nous à obtenir? À qui en incombera la prise en charge? À quels moments poser les questions?

Pr Anne Peretz : Un des enseignements de l’étude pilote est la nécessité de commencer à sonder les patients avant l’intervention, ce qui aura des implications sur la manière dont nous gérons le dossier médical du patient. Les aspects relatifs à la qualité de vie du patient feront partie intégrante de son dossier dès le début. Nous devrons aussi veiller à ce que la démarche n’entraîne pas une charge de travail supplémentaire trop conséquente. À cet égard, la technologie nous sera d’une aide précieuse. Programmes informatiques et autres applications mobiles permettront aux patients de répondre aux questionnaires de manière autonome. Il nous faudra ensuite évaluer le travail dans son ensemble afin de pouvoir l’améliorer. Il s’agit vraiment d’un projet d’envergure! Et ce, pour l’ensemble de l’hôpital: l’application de la démarcheà d’autres disciplines médicales est d’ailleursà l’étude, notamment en cardiologie et en neurologie. Nous y avons d’ores et déjà reçu un accueil positif de la part de nos confrères.

:: Les résultats de l'étude pilote ::
>Un bilan mitigé : «Les "scores" obtenus à partir des réponses aux questionnaires montrent que nous sommes aussi performants que les centres de référence dans les domaines urinaires et gastrointestinaux», commente le Pr de Meyer. «Cependant, nous avons obtenu de moins bons scores pour les indicateurs en lien avec la fonction érectile. Mais il est difficile de déterminer si ces problèmes sont attribuables à l’intervention-même ou s’ils existaient déjà chez ces patients avant l’opération
>La nécessité d’une évaluation «dynamique» : «Ces résultats nous ont fait prendre conscience qu’il était indispensable d’évaluer ces indicateurs de manière dynamique, c’est-à-dire avant et après l’intervention, à plusieurs reprises (un mois plus tard, six mois plus tard…)
>La faisabilité de la démarche : «Nous pouvons envisager une démarche de type "outcomes" à condition que le nombre de questions reprises dans le questionnaire soit limité. Plus le questionnaire est long, moins les patients sont enclins à y répondre. En routine, nous n’utiliserons qu’un seul questionnaire validé, avec le minimum de questions utiles

Auteur : Aude Dion
Source : Osiris News (n° 44, septembre-novembre 2016)