>>Une maladie psychosomatique potentiellement mortelle

La Clinique du stress et le service de psychosomatique de l'hôpital Brugmann fêtent leurs deux années d'existence. Des unités originales qui répondent à un réel besoin.

Vingt milliards d'euros, tel est le coût estimé du stress dans les 15 pays de l'Union. 72% des employés ressentent du stress, 86% des cadres avouent être de plus en plus stressés et 37% des fonctionnaires se disent victimes de harcèlement moral. Cinq pour cent des Belges affirment prendre quotidiennement des somnifères et 4% des tranquilisants pour lutter contre le stress. "Ces chiffres nous préoccupaient, précise le Pr Philippe Corten en charge de la clinique du stress. C'est pourquoi nous avons voulu faire un centre spécialisé". "Depuis 20 ans, on a essayé d'installer des offres de soins spécialisés qui correspondent à la grande variété des demandes de la population", explique le Pr Isidore Pelc, chef du service de psychiatrie.

Le stress est une réaction physiologique très archaïque, rappelle Philippe Corten: "Il mobilise le système orthosympathique, ce qui permet d'agir en attaquant ou en fuyant. Ensuite, le système parasympathique prend le relais. Les problèmes surviennent quand on ne peut pas se détendre, ni agir". La tension devient alors persistante et est vécue négativement, on parle de stress pathologique. Cette tension est généralement la conséquence d'une situation contraignante, où la personne ressent une discordance entre les moyens dont elle dispose, ses capacités et la réponse à apporter. Le mental et le physique peuvent devenir les cibles de décompensations parfois graves telles qu'un infarctus, un accident de voiture, une dépression, un ulcère perforé... "Nous intervenons là, quand nous constatons l'impact destructeur au niveau psychique et physique. Le stress est en effet l'une des rares maladies psychosomatiques qui soit mortelle", précise Philippe Corten.

Hyperactif et motivé

Le spécialiste de psychopathologie du travail rappelle encore qu'il n'y pas de situation stressante en soi, tout dépend de la personne et du moment où elle survient. "En général, on passe son temps à réduire l'incertitude. L'être humain est radicalement optimiste. Si on était réaliste, personne ne s'aventurerait pas à organiser de barbecue...".

Sommes-nous tous égaux devant le stress? Non, bien sûr. Les stressés répondent souvent à un profil type: ils sont (hyper)actifs, motivés, persévérants voire obsessionnels, coincés par la situation, ont du mal à mettre des limites, planifient mal leur action, ont une bonne image d'eux et surtout ne savent pas se retirer.

L'arrivée à la Clinique du stress correspond à une mise au point somatique (biologie et tests neurophysiologiques (Test de tétanie latente) et psychologique. Les patients subissent des tests de situation (Legeron, Life Events), des tests de vécu (General Health Questionnaire, stress vécu de Cohen...) et des tests d'attitudes (alexythymie, assertivité...). Ainsi, la population qui fréquente la clinique du stress présente une souffrance mentale élevée et un vécu de stress élevé.

Quels sont les symptômes du stress? "Ces patients n'ont aucune difficulté à s'endormir, mais la plupart ont des insomnies vers 3-4h du matin. D'où un sentiment de fatigue intense. On pourra donc mesurer leur taux de cortisol, directement ou indirectement, par exemple en mesurant le cholestérol, puisque quand on est stressé 24h/24, le cholestérol augmente". On note aussi des crampes musculaires, des céphalées, des troubles de la concentration et de la mémoire, des raideurs de la nuque...

15 minutes pour soi

La première étape du traitement passera inévitablement par l'élimination de ce stress. Il faudra donc agir sur la source, supprimer le stress inutile, et mettre le patient en incapacité de travail temporaire de longue durée (4 à 6 mois). Il s'agira ensuite de gérer le stress en limitant l'exposition et en se détendant: "Comme ce sont des gens plutôt actifs, nous leur proposons une relaxation dynamique comme la sophrologie dynamique et la pratique d'une activité physique. A la première consultation, je leur demande de trouver, une fois par jour, 15 minutes pour eux (pas à 23h) et ce qu'ils aimeraient faire pendant ce quart d'heure".

Côté somatique, le traitement s'attaquera au problème majeur du manque de sommeil, mais aussi à l'alimentation, à l'alcool, au tabac et au café. Enfin, sur le plan psychologique, différents spécialistes se relayeront pour apprendre au patient à respecter ses limites (assertivité), à partager ses émotions (Gestalt), à préserver sa vie relationnelle et sociale, à comprendre et à savoir prendre de la distance (restructuration cognitive ou thérapie psychodynamique).

Pratiquement, il existe une consultation ambulatoire de diagnostic de stress pathologique, prolongée par des suivis individuels et de groupes. Certains se voient proposer un module thérapeutique d'hospitalisation de jour réparti sur 10 semaines à raison de 2 jours/semaine. Enfin, une unité d'hospitalisation en psychosomatique accueille les patients présentant des troubles anxieux et dépressifs associés à des signes fonctionnels de malaise physique. "La prise en charge sera plus intense parce que leur environnement n'est pas suffisant et parce que la pathologie est peut-être plus importante (dépression plus accentuée...), note le Pr Charles Kornreich. L'hospitalisation dure environ 1 mois, c'est un moment plus sécurisant qui sera suivi par un travail en ambulatoire. On donne un message assez basique: essayer d'avoir une vie plus saine et d'être bien".

:: 2 ans le 27 mars 2004 :: La Clinique du stress fêtera son deuxième anniversaire le samedi 27 mars prochain en organisant une journée scientifique sur le thème du stress pathologique. Voici le programme :
  • 09h30 : Valeurs de civilisation et stress par le Pr I. Pelc
  • 10h00 : Le burn-out des soignants par le Dr M. Le Polain
  • 11h00 : Le stress pathologique: diagnostic et mise au point par le Pr Ph. Corten
  • 12h00 : Psychosomatique du stress au bien-être par le Pr Ch. Kornreich
  • 14h00 : L'affirmation de soi par le Dr S. Gozlan
  • 14h30 : L'expression des émotions par S. Versili
  • 15h00 : La sophrologie par L.M. Gourmet
  • 15h30 : La qualité de vie par I. Bergeret
  • 16h00 : Impact psychologique d'une exposition prolongée au stress: bilan de 100 patients par le Dr L. Jamaigne
  • 16h45 : Discussion
Renseignements : Marie-Claire Pireaux, Laboratoire de psychologique médicale ULB, CHU Brugmann, Place van Gehuchten 4 à 1020 Bruxelles, tél. : 32 (0)2 477.27.01, fax : 32 (0)2 477.21.62, E-mail : marie-claire.pireaux@ulb.ac.be

Auteur : Martine Versonne
Source : Le Journal du Médecin (n° 1575 du 05/03/2004) - ©Lejournaldumedecin.com