Le 15 mars 2005, le CHU Brugmann a inauguré une unité "résidente" de soins continus et palliatifs. A sa tête, le docteur Annie Drowart. Ce médecin dynamique met un point d’honneur à humaniser la fin de vie. Zoom sur cette unité, son organisation, son état d’esprit.
Dans nos sociétés la mort est un tabou", lance le docteur Annie Drowart. "Moi je veux justement qu’on la regarde en face et qu’on l’humanise". Le ton est donné. Les gestes sûrs, l’air décidé, cette femme de 43 ans veut accorder une place à ces patientsop souvent oubliés. Des hommes et des femmes qui inquiètent, car nous renvoient à notre propre fin. Un seul chiffre l’illustre : il y a un siècle, 70 % des patients mouraient à domicile, aujourd’hui ils sont 70% à décéder à l’hôpital. "La mort fait peur, il est plus facile de la fuir", explique la responsable des soins continus et palliatifs. Un service dont elle a pris la tête en octobre 2004.
Une unité humaine
Papyrus est un service de soins "continus et palliatifs". Deux
mots qui ont chacun leur sens. Les soins palliatifs visent à diminuer
les souffrances du patient en fin de vie. Les soins continus, eux, s’attachent à prolonger
le traitement administré au patient depuis le début de sa maladie. "Il
est tout aussi important pour moi de m’occuper des traitements curatifs
que des symptômes en fin de vie", explique Annie Drowart. L’unité ne
se positionne pas en rupture, mais en prolongement des autres services.
Ici, tout est fait pour mettre à l’aise le malade. Le bâtiment
d’abord. Presque perdu dans ce grand complexe qu’est le CHU Brugmann,
l’unité Papyrus ressemble à une petite maison. Pas d’ascenseur,
pas de grand escalier. Ici tout est à taille humaine.
Le service ne comporte que huit lits (pour six patients actuellement). Chaque
patient dispose d’une chambre individuelle avec une salle de douche
qui lui est particulièrement adaptée.
Toutes les douches sont de plain pied et munies d’un siège. L’unité est équipée
d’une baignoire adaptée, conçue pour donner au malade la
possibilité de s’allonger
complètement et d’y être transféré
directement de son lit grâce à un lève personne. Enfin, une
cuisine commune est à la disposition de tous.
L’équipe ensuite. Créée en 1994, elle était
auparavant mobile et s’occupait du patient dans son unité d’admission. "Ce
n’était pas pratique, notamment pour les infirmières qui
devaient passer d‘un service à l’autre dans l’hôpital,
assure le Docteur Drowart. La coordination était moins bonne".
Une équipe neuve et motivée
Madame Hélin, infirmière en chef, s’est alors battue pour qu’une unité de soins palliatifs voie le jour. Elle fonctionne depuis début janvier 2005 et a été inaugurée officiellement le 15 mars. Aujourd’hui, une trentaine de personnes composent l’équipe : trois médecins à temps partiel, une vingtaine d’infirmières souvent à temps partiel soit douze infirmières à temps plein, deux psychologues, une ergothérapeute, une kinésithérapeute, un travailleur social, une aide administrative et plus d’une dizaine de bénévoles. La plupart des collaborateurs sont nouveaux. Chacun a fait une demande volontaire pour intégrer le service et a suivi quinze jours de formation. Ici, les infirmières sont proportionnellement plus nombreuses que dans n’importe quel service (1,5 par patient). Les bénévoles tiennent compagnie au patient quand celui-ci le désire. Les deux psychologues sont présents pour répondre à ses craintes.
Un mort à accepter
C’est bien le patient qui est au coeur de l’organisation de l’équipe. "Ici,
on le considère comme un être humain et non comme un corps malade",
explique l’une des deux psychologues, Emmanuelle Frère. "Chaque
malade a une histoire". Et chaque malade a sa place. A sa demande, un psychologue
le suit pour l’aider à finir ce chemin. "Je leur rappelle
que cette maladie va bouleverser leur vie et leur dit de trouver malgré to
ut un sens à leur existence, même si elle prend fin".
Il faut aussi gérer le stress par rapport à la maladie. "Au
début, il y a souvent des phases de marchandage (si je prends ce médicament
est-ce que je vais guérir) puis des phases dépressives et parfois
de dépit", poursuit la psychologue.
Dans une société où tout est fait pour guérir, il
est difficile d’accepter la mort. "Les patients comme le personnel
médical ont du mal à lâcher prise. Ces derniers ont été formés
pour guérir", poursuit Emmanuelle Frère. L’équipe
psychologique apprend au personnel médical à parler aux patients
afin qu’ils puissent exprimer leurs émotions. "Il est beaucoup
plus facile de soigner l’aspect physique que psychologique", renchérit-elle.
La famille aussi est prise en compte. Les psychologues préparent les proches à la
mort et les suivent après le décès. Ils ont d’ailleurs
leur place dans le bâtiment,
une salle a été aménagée spécialement
pour eux.
Auteur : Alice Serrano
Source : Osiris News
(n°
1, mai-août 2005)