Neurologue mais également un peu philosophe, Christian Van Nechel est convaincu que l’homme pense, agit et bouge au sein d'une représentation de son environnement physique et psychologique déterminée par son cerveau.
Creusant les liens entre ce dernier, la vision et l'équilibre, ce passionné d'arts visuels s'est spécialisé dans une discipline nouvelle: la neurologie du sens de l'espace.
À l'avenir, les médecins se consacreront à une fonction plutôt qu'à un organe. Pour Christian Van Nechel, Chef de clinique adjoint au service de neurologie du CHUB, il s'agit d'une évidence. "Il est normal qu'un chirurgien se concentre sur une zone, le cerveau ou l'oeil par exemple, il est beaucoup plus logique qu'un clinicien se centre, lui, sur une fonction comme la mémoire ou l'équilibre".
Fort de cette conviction, le praticien ne va pas se limiter à l'étude du cerveau. Les oto-rhino-laryngologistes (ORL) s'intéressent aux pathologies de l'oreille, les ophtalmologues à celles de l'œil et les neurologues au cerveau. Or, les troubles de l'équilibre et de la perception de l'espace peuvent impliquer ces trois organes. Il était donc logique que Christian Van Nechel cherche à réunir ces trois disciplines. "Dans un premier temps, mon ambition était d'associer ophtalmologues et neurologues pour certaines consultations spécialisées".
Ce sera chose faite à Erasme où il travaille à mi-temps et où il crée, avec une ophtalmologue, une unité de neuro-ophtalmologie.
De la vision à l'équilibre
Pour mieux appréhender les troubles de l'équilibre, Christian Van Nechel devait encore franchir un pas. Le spécialiste se penche alors sur les représentations mentales de l'espace et les systèmes sensoriels qui les conditionnent (cf. encadré). "J'ai commencé par multiplier les contacts avec un spécialiste des troubles de l'équilibre à Paris. J'ai ensuite participé à de nombreux congrès sur ce thème." Avec en aboutissement la création, en 2001, de l'unité des Troubles de l'équilibre et Vertiges du CHU Brugmann. "Sur une même demi-journée, le patient est examiné à la fois par une ORL, le Dr Ulla Duquesne, et par un neurologue. Nous discutons ensuite de chaque cas avec l’équipe de kinésithérapeutes de rééducation et nous envoyons un courrier commun."
Outil de prévention
Dans un grand nombre de cas, l'anamnèse et l'examen clinique aboutissent à un diagnostic de présomption que des techniques d'exploration (imagerie et autres) viendront confirmer. La part la plus importante du travail du Dr Van Nechel consiste donc à comprendre et analyser les plaintes des patients de manière à les relier à des dysfonctionnements bien spécifiques. Car s'il se peut qu'une perception visuelle erronée ou un vertige soit le signe d'une pathologie de l’œil ou du vestibule (partie de l'oreille interne qui contrôle l'équilibre), il est possible également que ces troubles résultent d'un problème au niveau du cerveau, qu'il s'agit de prendre en considération. "Dans la mesure où un nombre non négligeable de ces troubles se révèlent être des signes avant-coureurs de maladies vasculaires cérébrales, poser un diagnostic correct est primordial en termes de prévention. Une patiente qui ne présentait aucun autre symptôme m'a un jour expliqué qu'elle ne parvenait plus à distinguer de la réalité les images reflétées dans un miroir. Il s'agissait en fait du premier signe d'une détérioration mentale qui a pu être prise en charge très rapidement."
Différents types de rééducation
Les visées de la neurologie du sens de l'espace peuvent également être thérapeutiques. "Le traitement des troubles de l'équilibre ou des vertiges passe très souvent par des séances de kinésithérapie. Mais si les plaintes relèvent de la représentation mentale que le patient se fait de l'espace, d'autres types de rééducation doivent être envisagés. Prenons l'exemple des personnes qui souffrent de troubles de l'équilibre causés par une incapacité à faire face à un environnement visuel mobile. Par différents exercices, ces personnes devront apprendre à sélectionner les informations sensorielles les plus judicieuses pour restaurer leur équilibre."
Pour un suivi de A à Z
D'autres pathologies comme le strabisme (désalignement des axes entre les deux yeux) se situent à la frontière entre la neurologie et l'ophtalmologie. "Trop peu de neurologues sont capables de préciser cette maladie et d'y apporter une réponse thérapeutique adéquate. Or, un désalignement des yeux est souvent causé par la paralysie d'un muscle piloté par un nerf, lui-même dirigé par le cerveau. Capable d'en identifier les symptômes, l'ophtalmologue ne sera donc pas toujours en mesure d'en cerner les causes. Quant au neurologue, il pourra par exemple déterminer qu'une lésion au niveau du tronc cérébral est responsable du strabisme, mais il ne pourra pas suggérer au patient de porter un prisme correcteur. Et il y a plus aberrant encore puisque même lorsque le neurologue dispose du savoir et des outils nécessaires, il ne peut prescrire un verre de lunette avec prisme. Seul l'ophtalmologue y est autorisé par l’assurance maladie."
Neurologue atypique, mais aussi philosophe et artiste à ses heures, Christian Van Nechel a fait son cheval de bataille de décloisonner des disciplines qu'il estime complémentaires. Pour que l'ophtalmologue ne passe pas à côté de pathologies cérébrales... et pour que le neurologue puisse à la fois comprendre ce qui se passe en amont du cerveau, tester leurs aires visuelles cérébrales et prescrire des prismes à ses patients!
Auteur : Aurélie Bastin
Source : Osiris News
(n°
10, mars-mai 2008)