À l'Unité du sommeil du CHU Brugmann, c'est lorsque le soleil se couche qu'on en apprend le plus… Chaque nuit, le sommeil de plusieurs patients est passé au crible grâce à la polysomnographie, un examen qui explore les différentes fonctions physiologiques du dormeur. objectif: faire la lumière sur le mystère de nos nuits.
Nécessaire à l'équilibre, à la mémoire, à la récupération et tout simplement à la vie, le sommeil est l'un
de nos biens les plus précieux. Pourtant,
cet incroyable mécanisme de mise en veille
peut être perturbé pour des raisons diverses, ces troubles pouvant à leur tour engendrer des symptômes variés. Depuis le début
du XXe
siècle, le sommeil a attiré l'attention
des médecins, et en particulier des neurologues, psychologues et psychiatres, fascinés par ce phénomène récurrent au cours
duquel le fonctionnement de notre organisme se modife de façon radicale. "Le
sommeil fait intersection avec de nombreux
champs médicaux et concerne aussi bien
la mécanique ventilatoire, l'anatomie bucco-naso-pharyngée ou encore les fonctions
métaboliques et endocriniennes", rappelle le
Dr Daniel Neu, spécialiste de la médecine du
sommeil et médecin responsable de l'unité.
"Au départ, le sommeil est un phénomène qui
se déroule essentiellement dans notre cerveau.
D'ailleurs, même lorsqu'on est confronté à
des troubles respiratoires nocturnes comme
les apnées, c'est principalement au niveau
du système nerveux central que les symptômes se manifestent en journée (somnolence,
problèmes d'attention, de mémoire…). C'est
pourquoi la médecine du sommeil fait avant
tout partie des neurosciences."
A la croisée des chemins
Si l'Unité du sommeil du CHUB a été intégrée
depuis ses débuts au Service de Psychiatrie,
elle constitue une plaque tournante entre différents services. "Potentiellement, nous
sommes en lien avec tous les services, mais il
existe bien entendu des collaborations privilégiées dues à la prévalence de certains troubles
du sommeil", explique le Dr Neu. "Ainsi, nous travaillons principalement avec le service de
pneumologie, d'ORL et avec les départements
neuroscientifques (neurologie et psychiatrie).
La médecine interne et les généralistes nous
envoient aussi de nombreux patients, ainsi
que les endocrinologues et parfois les stomatologues". Même si la médecine du sommeil
existe depuis longtemps, des découvertes
récentes ont tissé de nouveaux liens avec
des spécialités a priori peu concernées. Un
exemple: la mise au jour du rôle tenu par
le sommeil dans la régulation de l'appétit.
Les troubles du sommeil comme cause ou
conséquence d'une autre pathologie sont
par ailleurs très divers. "Notre activité va de
la mise au point de cas relativement simples – ronfements, apnées du sommeil – à celle
de somnolences diurnes, d'insomnies chroniques, de troubles de l'humeur inexpliqués, de
parasomnies (somnambulisme, cauchemars
terreurs nocturnes…) ou d'épilepsie nocturne.
Mais la polysomnographie reste souvent un
examen de dernière ligne, que l'on pratique
lorsque les symptômes n'ont pas pu être élucidés autrement. Le cas typique est celui du
patient qui a déjà consulté une bonne demi-douzaine de spécialistes, et dont le tableau clinique – incluant souvent une fatigue chronique
et une sensation de non récupération – reste
inexpliqué", commente le Dr Neu.
Plutôt deux fois qu'une
La polysomnograhie consiste à mesurer chez le dormeur des paramètres physiologiques tels que l'activité musculaire, l'activité cérébrale ou la respiration. Très complet, cet examen permet d'étudier les particularités de ces variables au cours des différentes phases du sommeil. Les données récoltées sont ensuite analysées afn de déterminer les causes éventuelles du trouble du sommeil et/ou de ses conséquences en journée. "La polysomnographie existe depuis le premier quart du siècle passé", rappelle le Dr Neu. "Évidemment, les techniques se sont améliorées. Auparavant, on se retrouvait avec des énormes tas de feuilles à analyser. Aujourd'hui, les ordinateurs se chargent d'une partie du travail. Les programmes qui réalisent le scorage automatique s'améliorent d'ailleurs chaque année." Contrairement à beaucoup de centres, le CHU Brugmann réalise en général l'enregistrement durant deux nuits successives. "La littérature scientifque a montré à de multiples reprises qu'une seule et unique nuit n'était pas assez représentative. Il faut compter une nuit dite "d'habituation". La plupart des patients me confent d'ailleurs que la première nuit est horrible… et la deuxième bien meilleure."
La nuit porte conseil
Afin de renforcer encore la fabilité des données
enregistrées et le confort des patients, l'unité,
qui compte 7 lits au total, a choisi de donner à
ses chambres une allure peu médicalisée. Ici,
pas de lits d'hôpital, mais des lits classiques…
presque comme à la maison. Que font les
patients quand ils ne dorment pas? "Pendant
la journée, nous réalisons différents tests: pour évaluer le degré de somnolence et de fatigue,
les fonctions cognitives du patient, l’intensité
de ses symptômes… Dans certains cas, la polysomnographie peut ainsi être complétée par
d'autres examens de jour comme un électro-encéphalogramme de veille ou des mesures de
l'activité cérébrale lors de stimulations auditives, visuelles ou sensitives. Il arrive aussi que
les patients retournent chez eux après leur première nuit et reviennent seulement le soir." A
leur sortie, ils sont systématiquement vus par
l'équipe qui leur fait part des conclusions préliminaires. "Les patients apprécient en général
ce retour, qui est une autre des spécificités de
l'unité. Lorsque nous les avons informés, nous
les renvoyons vers le spécialiste ou le généraliste pour une intervention ou un examen complémentaire". Impossible en effet pour l'unité – par ailleurs très impliquée dans la recherche physiologique et pharmaco-clinique –
de prendre en charge le traitement et le suivi
de tous. "Pour le moment, notre liste d'attente
dépasse les cinq mois." A n'en pas douter, ce
succès refète l'attention croissante portée au
sommeil, notamment parmi les généralistes.
Parce que le plus important se passe parfois
dans l'ombre…
Auteur : Julie Luong
Source : Osiris News
(n°
11, juin-août 2008)