Il y a 10 ans que Marie-Dominique Gazagnes et l'équipe de la Stroke Unit ont pris le départ de la course contre la montre de l'AVC. Leurs objectifs: dépister, traiter et revalider !
Il y a 3 mois, au beau milieu d'un dîner de famille, Chantal (56 ans) ne parvient plus à parler. Elle n'a pas perdu le fil de la discussion. Elle ne parvient "juste" pas à exprimer ses pensées. Ses mots sont comme prisonniers… Cet épisode dure une vingtaine de minutes. Puis tout rentre dans l'ordre. Inquiète, elle contacte son médecin généraliste qui lui conseille de joindre sans attendre la Stroke Unit du CHU Brugmann avec qui il a l'habitude de collaborer. "Nous avons demandé à Chantal de venir immédiatement", se rappelle le Dr Marie-Dominique Gazagnes, responsable de la Clinique Neurovasculaire et de la Stroke Unit. "Dans de pareilles circonstances, chaque minute compte. Une perte temporaire de la parole peut sembler anodine, mais c'est très souvent la manifestation d'un accident ischémique transitoire, une sorte de mini-accident vasculaire cérébral (AVC) sans séquelle. Mais ce petit AVC sera très probablement suivi par un AVC avec des séquelles neurologiques définitives s'il n'est pas pris en charge immédiatement."
Mission n°1: limiter les complications
Des cas comme celui de Chantal, le Dr Gazagnes et ses collègues en voient peu. Les patients qui arrivent à la Stroke Unit souffrent généralement d'un AVC installé et demandent une prise en charge extrêmement rapide. "La thrombolyse 1, le seul traitement qui permet de guérir de l'AVC, doit être administrée dans les 3 premières heures qui suivent l'AVC. C'est dire si chaque minute compte. Une fois traité, il n'est pas question de laisser le patient sans surveillance. Tout se joue après l'AVC." Le patient est placé sous monitoring, pendant au moins 3 jours, afin de surveiller en permanence son rythme cardiaque, sa tension et son oxygénation. "Le personnel de la Stroke Unit connaît bien les complications possibles et sait comment réagir. Grâce à cette prise en charge, le taux de mortalité et de handicap lié à un AVC est réduit de 30% et le nombre de placements dans des institutions adaptées de 25%", s'enthousiasme le Dr Gazagnes.
Mission n°2: débusquer les causes
Parallèlement à la prise en charge aiguë,
l'une des missions de la Stroke Unit est
de comprendre ce qui s'est passé. "Très
vite, il faut établir l'origine de l'AVC. Un
patient qui n'est pas traité peut récidiver dans les 15 jours. Et c'est aussi valable
pour des patients comme Chantal qui
ont fait un accident ischémique transitoire." Pour aller vite, la Stroke Unit
détient des rendez-vous prioritaires dans
les autres services du CHU Brugmann.
"Cette priorité permet à nos patients
de bénéficier, dans les 24 heures qui
suivent leur AVC, des examens pour
lesquels ils devraient attendre plusieurs
semaines s'ils entraient dans le cadre
d'une mise au point habituelle (radiologie,
cardiologie…). Nous nous donnons
au maximum 5 jours ouvrables pour
découvrir l'origine d'un AVC et instaurer
un traitement préventif de récidive."
Mission n°3: la revalidation
Lorsque l'AVC laisse des séquelles, tout n'est pas terminé pour autant. Un bon programme de revalidation peut considérablement aider le patient! Ainsi,à proximité des 4 lits de la prise en charge aiguë, le CHU Brugmann possède 55 lits de neuro-revalidation gérés par la même équipe. Ce qui permet de mettre en place une rééducation très précoce, gage de meilleure récupération. "C'est plus simple pour les patients qui ne doivent pas expliquer plusieurs fois leur histoire et parfois re-subir des examens s'ils changent de centre. Nous suivons ensuite le patient pendant des mois puis des années en consultation. Ce long follow up instaure une relation étroite entre nous, ce qui est très motivant!"
Une meilleure reconnaissance
Depuis dix ans, 3.000 patients ont bénéficié des soins de la Stroke Unit du CHU
Brugmann. Une prise en charge qui,
si elle a fait ses preuves, n'était pas
reconnue à sa juste valeur jusqu'il y
a peu. Mais depuis le 3 juillet dernier: "c'est la consécration!", s'amuse Marie-Dominique Gazagnes. "Un arrêté royal
portant sur les Stroke Units a été publié."
Petit cocorico: pour bénéficier du financement
prévu par cet arrêté, il faut
répondre à des normes très strictes auxquelles
peu d'hôpitaux satisfont actuellement
mais le CHU Brugmann et sa Stroke Unit y répondent déjà, et peuvent
dès lors en profiter sans aménagement
ni réorganisation.
La Stroke Unit, bientôt un passage obligé ?
Conscient de l'utilité des Stroke Units, le Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE) pourrait d'ici peu recommander de rendre obligatoire l'envoi systématique des patients pris en charge pour un AVC vers une Stroke Unit reconnue. "Pour le moment, le SAMU doit amener le patient dans l'hôpital le plus proche, qu'il possède une Stroke Unit ou non. Les obliger à le transférer dans une structure avec Stroke Unit permettrait d'améliorer considérablement la prise en charge de l'AVC en Belgique", conclut le Dr Gazagnes. La Stroke Unit du CHU Brugmann pourrait bien finir centenaire…
Auteur : Elise Dubuisson
Source : Osiris News
(n°
29, décembre 2012-février 2013)