>>Durée moyenne de séjour : l'affaire de tous !

Le "Home Ticket"

Le CHU Brugmann fait la chasse aux prolongements évitables des séjours hospitaliers de certains patients. Parmi les initiatives mises en place: un affichage systématique de la date de sortie au pied des lits. Zoom sur ce dispositif et sur l'opinion des acteurs concernés.

Pour de nombreux patients, le séjour hospitalier s'accompagne d'une inconnue: quand pourront-ils quitter l'établissement? Cette date de sortie peut pourtant être pronostiquée de manière précise dans la grande majorité des cas. "C'est une information précieuse pour le personnel médical, paramédical et administratif qui gravite autour du patient", explique Isabelle Linkens, responsable du Service d'Analyses et Méthode. "Plus la préparation de la sortie est mise en oeuvre de manière précoce, plus la date estimée de départ sera respectée", poursuit-elle.

Des "home ticket" pour indiquer la date de sortie

Pour que cette date soit visible par tous les professionnels qui s’occupent du patient, des "home ticket" fleurissent au pied des lits du CHU Brugmann. Ces supports reprennent la date de sortie prévue du patient, sa destination et le nom du médecin responsable. Du côté du personnel hospitalier, l’affichage de la date de sortie vise, in fine, à optimaliser le temps d’hospitalisation des patients. "Il ne s’agit que d’un élément parmi d’autres pour y parvenir", précise Isabelle Linkens. "Mais cette action est sans doute la plus visible, la plus simple à mettre en place et celle dont les effets seront, nous l’espérons, le plus rapidement porteurs."

Un intérêt pour le patient aussi

Si le rappel de cette échéance constitue un atout pour le personnel, l’information est aussi essentielle pour le patient et son entourage. "Il arrive parfois que les patients eux-mêmes ne se sentent pas prêts à rentrer chez eux parce qu’ils n’ont pas eu la possibilité d’anticiper ce jour de départ", poursuit Isabelle Linkens. "Grâce à l’affichage de la date de sortie, ils en seront systématiquement informés dès le début de l’hospitalisation. Bien entendu, si la date leur est communiquée dès la consultation, c’est encore mieux. Nous espérons qu’ils se sentiront apaisés et qu’ils pourront mieux anticiper leur fin de séjour."

Une date qui n’est pas immuable

Cette date de sortie n’est pas déterminée une fois pour toutes. Pas question de contraindre le professionnel à faire sortir un patient dont l’état ne le permettrait pas. "Cette date peut être réévaluée chaque jour en fonction de l’évolution du patient, de la disponibilité de centres de revalidation, de l’organisation de la prise en charge à domicile… Il va de soi que la qualité des soins reste la priorité", conclut Isabelle Linkens. L’important est de communiquer à tous de manière claire.

:: Le contexte : une DMS encore trop élevée :: À l’origine de cette réflexion sur la réduction de la durée moyenne de séjour (DMS): les chiffres d’activité du CHU Brugmann. Ils révèlent que la DMS en médecine et en chirurgie est plus élevée que les moyennes nationales pour les mêmes catégories de pathologies. "Comme nous sommes comparés à ces moyennes nationales, si les autres hôpitaux s’améliorent plus vite que nous, nous sommes pénalisés. Ce sont précisément les disciplines de médecine, chirurgie et gériatrie dont le financement est directement lié à l’"activité justifiée". Si, pour un diagnostic donné, la DMS du CHU Brugmann excède la DMS nationale, l’établissement sera financièrement pénalisé.
:: Pour réduire la DMS, un ensemble d'initiatives :: À côté de l’affichage de la date de sortie, une série d’autres projets se mettent en place pour diminuer la DMS. Les cibles : tous ces éléments qui prolongent le séjour de manière évitable, comme :
>l’ensemble des volets de "pré-admission": communication sur l’arrivée du patient, sur la durée prévue de son séjour hospitalier, sur les éléments à préparer pour sa sortie…
>les délais de rendez-vous dans le secteur médico-technique,
>le laps de temps nécessaire pour trouver une place dans un centre de revalidation ou en maison de repos,
>les délais pour que le patient soit admis au quartier opératoire,
>
:: Réduction de la durée moyenne de séjour et affichage de la date de sortie : la parole aux acteurs concernés ::
>Pr Jean-Marie de Meyer, Chef de Service d’Urologie : "De nouvelles possibilités pour l’hôpital"
Sur la réduction de la DMS…
"La réduction de la Durée Moyenne de Séjour (DMS) concerne tout le monde! L’avantage financier qui peut en découler ouvre des possibilités, notamment en termes d’engagement de personnel ou d’acquisition de nouveau matériel."
Sur l’affichage de la date de sortie?
"En Urologie, pour la plupart des interventions dites 'standard' programmées, la date de sortie peut être facilement estimée à un jour près. Il s’agit d’une 'date-cible'; elle ne doit pas être perçue comme absolue. Nous devrons être prudents pour éviter que le patient et son entourage n’aient l’impression d’être mis à la porte."
D’autres initiatives?
"Je peux en pointer deux: - l’introduction de nouvelles techniques chirurgicales qui permettent de diminuer la durée de séjour. L’utilisation de ces techniques de pointe constitue en outre un atout indéniable pour l’image de l’hôpital; - j’aimerais que nous soyons régulièrement tenus au courant de l’évolution nationale des durées moyennes de séjour, afi n de rectifi er le tir, au besoin."

>Olivier Gendebien, Infirmier CDS et responsable infirmier du site Brien : "Chacun doit réfléchir à ses propres manières de fonctionner"
Sur la réduction de la DMS…
"Plus nous réduisons la durée de séjour, mieux nous serons fi nancés dans certains secteurs. Y parvenir pourrait contribuer à lancer un 'cercle vertueux'."
Sur l’affichage de la date de sortie…
"Connaître la date de sortie du patient dès son entrée à l’hôpital permet d’organiser au mieux son séjour du début à la fin. Cet affichage est tout bénéfice pour le patient et son entourage. Ce dispositif sera-t-il suffisant? Dans un second temps, peut-être pourrions-nous avoir recours à des moyens complémentaires, comme des 'pop-up' informatiques dans les boîtes mail, par exemple."
D’autres initiatives?
"Il existe dans le monde entier une série de 'bonnes pratiques' dont nous pouvons nous inspirer pour arriver à une durée de séjour optimale. Quelques exemples: l’optimalisation des étapes de pré-admission, une meilleure coordination entre les unités de soins et la Gestion des lits, un 'diagnostic social' précoce… Nous allons les présenter aux infi rmières en chef et aux responsables du personnel paramédical. Notre message: 'la réduction de la DMS est l’affaire de tous!'. Si c’est au médecin que revient la décision ultime de faire sortir le patient, nous sommes tous derrière lui pour tenir un discours de rappel et mener des actions à notre niveau. Il est important que chacun réfléchisse à ses propres manières de fonctionner et essaye de les améliorer."

>Berlinde Tillie, Responsable du Service Social : "Il s’agit d’un travail d’équipe"…
Sur la réduction de la DMS…
"Nous éprouvons souvent des difficultés à trouver une place dans un centre de revalidation adapté pour le patient. S’il est isolé ou s’il manque de ressources fi nancières, il est souvent contraint de rester hospitalisé. Notre tâche est d’emblée facilitée quand tout le monde – médecins, personnel infi rmier et paramédical, travailleurs sociaux – prépare la sortie du patient dès le départ. Il s’agit d’un travail d’équipe."
Sur l’affichage de la date de sortie…
"Évoquer cette date dès le début de l’hospitalisation (voire avant) fait déjà partie intégrante de notre travail. Cette communication est aussi une demande qui émane des patients. Ils éprouvent parfois des craintes à leur arrivée. Ils ont besoin de se préparer au retour à domicile. Il est important que le médecin parle d’office, le plus tôt possible, des suites de l’hospitalisation avec le patient. Cette étape fait partie du processus de soins."
D’autres initiatives?
"Notre service a retravaillé le Dossier social informatisé. Ce document rassemble des informations sur la situation sociale du patient et sur ce qui est prévu pour sa sortie. Il est disponible pour tous les membres du personnel sur l’Intranet. Pourquoi ne pas afficher dans ce dossier la date de sortie probable à côté de l’état d’avancement de notre travail?"

Auteur : Aude Dion
Source : Osiris News (n° 31, juin-août 2013)