Le Groupe de Gestion de l’Antibiothérapie (GGA) du CHU Brugmann traque sans relâche les mauvaises habitudes dans la prescription d’anti-infectieux. Zoom sur les missions et activités de ce «comité des antibiotiques».
Alors que le Groupe de Gestion de l’Antibiothérapie
(GGA) sou e ses 10 bougies, le Dr Soraya Cherifi a
le sourire. «Le bon usage des antibiotiques semble être entré dans les moeurs», se réjouit la chef de clinique
des maladies infectieuses et présidente du GGA. «Notre consommation d’anti-infectieux est même légèrement
inférieure à la moyenne nationale.»
Ces bons résultats sont l’aboutissement d’un travail
de longue haleine. En 2003, le Dr Cherifi crée le
GGA du CHU Brugmann. Ce groupe pluridisciplinaire
deviendra une exigence légale en 2007. Sa mission:
définir la politique et le programme d’action de l’hôpital
pour la gestion de l’antibiothérapie. «Notre objectif
est de faire en sorte que le prescripteur donne le bon
antibiotique, au bon moment, pour la bonne indication », explique le Dr Cherifi.
«Les antibiotiques ne sont pas des bonbons»
«Les anti-infectieux sont des molécules spécifiques à plusieurs titres», rappelle le Dr Cherifi.
Plus la consommation d’antibiotiques est élevée,
plus les résistances à ces molécules sont susceptibles
d’augmenter. Or la recherche en antibiothérapie s’essoufle: très peu de nouveaux agents sont mis sur le marché. Il faut donc mettre tout en oeuvre pour éviter
l’émergence de germes multirésistants.
Mais l’enjeu est aussi économique. «Nous travaillons
avec un financement forfaitaire des médicaments
pour les patients hospitalisés et les coûts engendrés
par les prescriptions d’antibiotiques sont importants», explique le Dr Cherifi . «Ces molécules très onéreuses
ne peuvent être prescrites à tout le monde.»
«Chaque soignant a un rôle à jouer»
«Par ailleurs, la bonne gestion de l’antibiothérapie est un marqueur de la qualité de la médecine que l’on dispense», observe le Dr Cherifi. «Une consommation excessive d’anti-infectieux est généralement le reflet de dysfonctionnements. L’administration d’antibiotiques correspond encore trop souvent à une réaction anxiogène des soignants face à une situation critique», déplore-t-elle.
On le voit, la gestion de l’antibiothérapie cristallise son lot d’enjeux. «C’est la raison pour laquelle la prescription d’anti-infectieux ne peut plus être un acte individuel, irréfléchi, émotionnel et hors de toute recommandation. Chaque soignant (médecins mais aussi personnel infirmier, pharmaciens…) joue un rôle et peut contribuer à améliorer la qualité de notre médecine», conclut le Dr Cherifi.
Des tours "assis" systématiques
Loin de se laisser décourager par l’ampleur de la tâche, le Dr Cherifi décide de faire des soins intensifs l’un de ses secteurs d’action prioritaires. Des tours hebdomadaires systématiques, en présence d’un microbiologiste, d’un infectiologue et des médecins intensivistes, sont initiés, d’abord sur le site Horta, puis à Brien. «Lors de ces réunions, nous passons en revue tous les patients sous antibiotiques, un par un. Sur base de leurs résultats microbiologiques et d’informations cliniques, leur traitement est discuté de façon collégiale afin qu’il soit le mieux adapté possible», explique le Dr Cherifi. «Si nécessaire, nous rectifions le"tir" antibiotique », ajoute le Dr Philippe Gottignies, chef de clinique adjoint de l’unité des soins intensifs. Selon lui, la collaboration avec le Dr Cherifi constitue un atout indéniable pour les patients. «Nous ne percevons pas ces réunions comme une ingérence dans notre pratique. Au contraire! L’intervention du Dr Cherifi et son expertise dans le domaine nous permettent d’avoir une vision plus globale de la situation. C’est un gage de sécurité et de qualité. Pour les jeunes médecins, ces contacts réguliers font aussi partie intégrante de la formation», affirme-t-il. «Et nous conservons notre liberté thérapeutique: c’est à nous que revient la décision ultime d’instaurer, de poursuivre ou d’adapter un traitement.»Une collaboration fructueuse
L'oganisation instaurée par le Dr Cherifi se met en place progressivement. «Au fil du temps, ces tours sont devenus une véritable tradition hebdomadaire, un lieu d’échanges sur le bon usage des antibiotiques», relate-t-elle.Le Groupe de Gestion de l’Antibiothérapie (GGA – ou AMT pour Antibiotic Management Team) est composé au minimum d’un infectiologue, d’un microbiologiste, d’un médecin hygiéniste et d’un pharmacien hospitalier, entourés des médecins et infirmiers représentant les grands départements de l’hôpital.
Auteur : Aude Dion
Source : Osiris News
(n°
34, mars-mai 2014)