À la maternité du CHU Brugmann, les patientes qui ont été victimes de mutilations génitales bénéficient d'un suivi spécifique. Objectifs: les informer, les sensibiliser à la problématique et faire en sorte que leur grossesse et leur accouchement se déroulent le mieux possible.
«Certaines patientes m'appellent "Mama Sofia"», observe en riant Sofia Georgeli, sage-femme référente pour les mutilations génitales féminines (MGF) en consultation prénatale. D'emblée, le ton est donné: si le sujet est grave, pas question de tomber dans la dramatisation. «Les MGF, nous en discutons "carte sur table", sans tabou, parfois même avec humour», confirme Sofia.
Pour un meilleur accueil de ces patientes
«Avant, lorsqu'une femme victime de MGF se
présentait à la maternité, nous n'abordions pas vraiment
le sujet», retrace Fatima Llouh, sage-femme
référente pour les MGF en salle d'accouchement.
«La plupart d'entre nous ne connaissaient pas bien
la problématique. Comment, dès lors, en parler avec
la patiente?»
En mai 2013, un groupe de travail sur les mutilations
génitales a été mis en place à la maternité.
«Nous avons suivi une formation pour en apprendre
davantage sur le sujet», explique Fatima. «Les
raisons invoquées pour justifier ce type de pratiques
sont généralement culturelles ou sociologiques ("rite
de passage", crainte d'être exclue du groupe...), voire
sanitaires (conviction erronée que l'excision favorise
la fécondité et la bonne santé du bébé). Il est primordial
de les connaître et de les comprendre afin
de garantir un dialogue optimal avec ces patientes.
Nous devons nous montrer très attentives à ne pas
les juger ni les culpabiliser.»
Engager le dialogue...
Les patientes susceptibles d'avoir subi une MGF
(en fonction, notamment, de leur pays d'origine) sont
orientées vers les sages-femmes référentes.
«Il s'agit tout d'abord d'aider la patiente à bien
comprendre ce qui lui est arrivé et ce que ce type
de pratiques lui a laissé comme séquelles», relate
Sofia. «Certaines patientes ne prennent conscience
de l'ampleur de ce qu'elles ont subi des années
auparavant qu'à ce moment-là, dans notre bureau...
Nous leur donnons des informations et des
conseils pour mener à bien leur grossesse. C'est
aussi l'occasion de leur parler des possibilités de
chirurgie réparatrice dont elles pourront bénéficier
après l'accouchement. Enfin, nous leur expliquons
que ces pratiques sont interdites par la loi en
Belgique.»
... et le maintenir tout au long de la grossesse
«Dans la mesure du possible, la patiente est
suivie par la même sage-femme tout au long de sa
grossesse pour conserver le lien de confiance qui
s'est tissé», poursuit Fatima.
Quand la future maman a été vue en consultation
prénatale, les informations la concernant sont
transmises à la salle d'accouchement. «Il y a une
très bonne communication entre les unités», souligne
Fatima. «Le jour de leur accouchement, ces
patientes font l'objet d'une surveillance étroite, les
MGF accroissant le risque de complications obstétricales (voir encadré).»
À la maternité, le dialogue se poursuit. «Nous
abordons de nouveau le sujet avec la
patiente, surtout si son bébé est de sexe féminin», confirme Fatima. «Nous remettons
aux parents un certificat indiquant que la petite fille est "intacte" à la sortie de l'hôpital.
Ce dispositif peut aider à entamer des
poursuites judiciaires si l'enfant est victime
de MGF.»
Et après? «Après, nous croisons les
doigts...», répond Sofia. «Nous n'avons
aucun contrôle sur ce qui se passe à la
sortie de l'hôpital. Notre rôle consiste à
déceler la problématique, sensibiliser la
patiente et la laisser repartir... en espérant
que sa fille échappe à cette pratique
et qu'elle-même devienne l'ambassadrice
de ces nouvelles connaissances auprès
des membres de sa famille, de ses amis
et de ses proches...»
Quelles conséquences ?
Ces mutilations entraînent des séquelles physiologiques à court terme (saignements, infections...) et à long terme (douleurs chroniques, troubles urinaires, infertilité, difficulté voire incapacité à éprouver du plaisir sexuel...) et, très souvent, des séquelles psychologiques.Auteur : Aude Dion
Source : Osiris News
(n°
37, décembre 2014-février 2015)