(Re)découvrons le métier d'addictologue en rencontrant le Dr Catherine Hanak, psychiatre au CHU Brugmann...
Dr Hanak, vous êtes addictologue au CHU Brugmann. Quel a été votre parcours ?
Je suis psychiatre de formation et je me suis ensuite formée en addictologie. J'ai terminé mon post-graduat en 1999. L'addictologie concerne les dépendances, que ce soit au jeu, aux drogues, à l'alcool, au tabac…. Je travaille depuis le début de ma carrière au CHU Brugmann, dont la psychiatrie et, entre autres, l'addictologie sont des spécialités.
Je suppose qu'une bonne partie de vos journées est consacrée aux consultations ?
En effet, je reçois de nombreux patients dépendants à l'alcool et au cannabis. Mais depuis peu, je me concentre beaucoup avec l'équipe pluridisciplinaire à deux nouveaux programmes d'hôpital de jour, un pour l'alcool et un pour le cannabis. Le programme «L'alcool et vous» cible principalement les personnes qui ne sont pas encore véritablement accros, mais qui sont en passe ou risqueraient de le devenir. Ces personnes sont conscientes du danger et veulent reprendre leur vie en mains. Jusqu'à présent, entre une simple consultation et une hospitalisation classique lourde, rien n'était prévu pour elles. Notre programme permet, en deux journées, un bilan et des informations de façon discrète, soutenante et motivante.
En ce qui concerne le cannabis, notre approche en hôpital de jour est également axée sur les bilans, l'information et la psycho-éducation: nous essayons d'aider les patients à se situer par rapport à leur consommation et à leur en indiquer les conséquences. Le programme de jour «Le cannabis et vous» associe aussi les proches, qui sont souvent très angoissés par rapport à l'usage de cannabis de leur fils, fille, frère, sœur….
Je suis aussi la chef de clinique d'unités hospitalières «classiques», l'une de 29 lits consacrées à la dépendance à l'alcool et une de 8 lits consacrée à la dépendance aux drogues.
Quelles sont, selon vous, les qualités que doit posséder un ou une addictologue ?
En plus de l'empathie qui doit être la base de tout soignant, il est important de ne jamais juger. Quand les considérations morales s'en mêlent, la discrimination n'est pas loin. Il faut évidemment être souple (un patient en crise ne peut pas attendre 3 mois pour avoir un rendez-vous) et réactif par rapport à des pathologies souvent imprévisibles. Il faut également garder un lien avec la médecine somatique, car nos patients souffrent également de pathologies physiques.
Une petite anecdote, parmi les nombreuses expériences que vous devez vivre tous les jours…
Je pense à un patient abstinent depuis 10 ans mais qui continue à venir deux fois par an pour faire le point. Il dit que c'est l'occasion de faire un bilan de sa vie….. Il y a aussi ce papa qui est venu à la consultation alors que c'est son fils qui avait rendezvous. Son fils refusait de consulter, alors c'est son père qui est venu chercher des informations sur la consommation de cannabis. Et le plus intéressant, ce sont les questions de certains patients, qui ont une longueur d'avance sur nous concernant de nouveaux modes de consommation de drogues!
Source : iris&you (n° 31, février 2019)