"Il ne faut pas confondre admission forcée et internement."
Le
Dr Geerke Steegen, psychiatre, responsable de l'unité des
psychoses, fait le point sur la
question.
De nombreuses personnes confondent admission forcée et internement. Il s'agit pourtant de deux procédures très différentes.
C'est exact. Dans le cas d'une mise en observation aucun fait criminel n'a été commis. Si votre voisin en pleine crise de paranoïa circule dans la rue en brandissant un couteau, une admission forcée peut se justifier. Si, toujours dans cet état, il poignarde le facteur, il risque alors d'être interné. Au CHU Brugmann, nous ne nous occupons que des admissions forcées. Les patients admis dans notre unité souffrent la plupart du temps de troubles psychotiques et affectifs nécessitant un traitement médicamenteux. La notion de "traitement" est essentielle. Un retard mental sévère, par exemple, est insuffisant pour justifier une mise en observation. Une problématique de dépendance est aussi souvent en cause. L'admission forcée n'est toutefois efficace que pour une désintoxication physique.
Quel est le rôle de la famille dans une mise en observation?
La famille tire la sonnette d'alarme lorsqu'elle remarque des symptômes qui comportent un danger potentiel. Elle peut alors s'adresser à la police ou au Procureur du Roi. Mais, en dernier recours, c'est le Juge de Paix qui décide de l'admission forcée, après avoir pris connaissance de l'avis d'un psychiatre. Par la suite, la famille joue encore un rôle important. Elle donne des informations sur le malade, l'évolution de la maladie et ses antécédents. Nous essayons toujours de prévoir pour chaque patient deux entretiens avec la famille: un au début et un à la fin de l'admission.
Est-ce toujours facile pour un psychiatre de donner un avis sur une mise en observation?
Pour l'expertise, nous examinons le patient sur le plan psychiatrique et psychologique, nous réalisons une évaluation sociale et nous examinons s'il ne souffre pas d'affections physiques. En cas de doute, le témoignage des proches, du médecin de famille ou d'autres personnes concernées peut aider à clarifier la situation. Il s'agit toutefois toujours d'une question d'évaluation, le danger étant "potentiel". Une mise en observation se fait contre la volonté de la personne. Il faut peser le pour et le contre.
Comment le patient réagit-il dans la plupart des cas?
Une admission forcée peut être traumatisante, souvent en raison des circonstances dans lesquelles les patients arrivent aux urgences. Généralement, sous escorte de la police. Certains sont toutefois rassurés par une admission dans un service fermé. Ils y retrouvent une structure, se sentent protégés et trouvent enfin un interlocuteur auquel ils peuvent exposer leurs problèmes.
Une admission forcée équivaut-elle à un internement sur le plan pratique?
Pas du tout. Même si la liberté du patient est réduite en raison du danger qu'il représente, dès son arrivée, il est autorisé à recevoir de la visite et à garder des contacts téléphoniques avec le monde extérieur. Dans nos deux unités, 74 et 76, chaque patient dispose de sa propre chambre et, dans chaque unité, il y a une salle à manger, une salle de télévision et un fumoir. Sur les 45 lits disponibles, les admissions forcées ne sont pas non plus isolées des admissions volontaires. Cette configuration est aussi valable pour les 15 lits réservés aux adolescents (15-22 ans), sous la supervision du Dr Nicolis.
Une admission forcée demande- t-elle un traitement spécifique?
Le traitement en cas d'admission forcée ou volontaire est identique. Le patient s'entretient régulièrement avec le psychiatre, le psychologue et le travailleur social. Le traitement médicamenteux est aussi un pilier important. Les plaintes physiques et les difficultés à avoir des interactions sociales sont également étroitement suivies. Le travailleur social met en ordre la situation sociale de la personne. Mais, comme aucun des patients psychotiques n'a les mêmes troubles, aucun programme de traitement n'est identique.
Quand le patient peut-il quitter l'hôpital?
Une mise en observation peut durer un maximum de 40 jours, mais une prolongation est possible à la demande du médecin. Outre une évaluation des symptômes, nous estimons aussi la situation du patient lors de son retour à la maison. Dans un hôpital public comme le CHU Brugmann, nous recevons souvent des patients qui se trouvent dans des situations sociales difficiles. Des circonstances qui rendent un retour à la maison dans des conditions correctes quasi impossible et conduit presque automatiquement à une rechute rapide. Une admission plus longue dans une structure adaptée en dehors de notre service est alors nécessaire.
Auteur : Pieter Segaert
Source : Osiris News
(n°
15, juin-août 2009)