>>Médecine foeto-maternelle : un domaine en évolution constante

Prof. Mieke Cannie et Prof. Jacques Jani

Depuis une dizaine d'années, le service de Gynécologie-obstétrique et la médecine foeto-maternelle en général ont beaucoup évolué. Tour d'horizon avec le Prof. Jacques Jani, chef du service depuis 2008.

Comment a évolué la gynécologie-obstétrique ?

Prof. Jacques Jani : On a beaucoup avancé dans la prédiction des maladies graves de la femme enceinte, comme la pré-éclampsie, ainsi que dans la détection des risques d'accouchement prématuré. Les diagnostics prénatals du bébé deviennent aussi de plus en plus précis et de moins en moins invasifs. L'exemple le plus frappant est le NIPT (Non Invasive Prenatal Testing): un simple test sanguin remplace à présent l'amniocentèse pour dépister la trisomie 21. Et cela sera sûrement étendu au dépistage d'autres maladies génétiques ou chromosomiques à l'avenir. L'imagerie médicale du foetus évolue aussi, en particulier avec l'IRM foetale. Enfin, la thérapie foetale se développe. Cela va de l'injection d'un médicament à la maman pour traiter son bébé, à la chirurgie in utero, un domaine très pointu en pleine expansion.

Votre service a été pionnier, au niveau de ces évolutions…

Oui nous avons été les premiers en Belgique à proposer le NIPT. Je me suis battu pour qu'il soit remboursé et il l'est depuis l'année passée. Nous sommes aussi les premiers à proposer le dépistage gratuit à 3 mois des patientes à risque de pré-éclampsie future et leur traitement préventif avec de l'aspirine. Je me bats à présent pour que ce test de dépistage soit lui aussi remboursé. Depuis mon arrivée, j'ai aussi développé une activité de chirurgie foetale in utero à Brugmann car j'ai eu la chance d'être formé dans deux des meilleurs centres au monde en la matière.

Quel est l'intérêt de l'IRM foetale par rapport à l'échographie ?

Cet examen permet d'améliorer et d'affiner le diagnostic de malformations foetales. À la différence de la technologie 3D et 4D, qui n'a pas révolutionné les choses. Il offre aussi des perspectives prometteuses pour mieux évaluer le poids de naissance. Il arrive souvent qu'on fasse une césarienne ou qu'on déclenche l'accouchement plus tôt car le bébé est estimé trop gros alors que ce n'est pas le cas et viceversa. Je travaille sur un projet à ce niveau avec mon épouse, le Pr Mieke Cannie, qui est chef du service de Radiologie et a fait sa thèse sur l'IRM foetale, ainsi qu'avec le Dr Caroline Kadji qui mène sa thèse sur l'estimation du poids foetal. Nous espérons aboutir fin 2018 et pouvoir introduire cet outil dans la prise en charge classique des femmes enceintes. Cela serait une étape à passer quelques semaines avant le terme, pour déterminer la meilleure option pour l'accouchement.

Le rôle des sages-femmes a-t-il beaucoup évolué ?

Oui ! Depuis dix ans, elles gèrent de plus en plus le suivi des grossesses, des accouchements et du post partum «normaux». En 2016 nous avons créé le projet Physalis pour les mamans qui souhaitent un accouchement naturel, sans trop de médicalisation. Bien entendu, s'il y a le moindre problème médical, nous reprenons la main. Le métier a beaucoup changé dans le service car avant tout était d'office très médicalisé.

Prof. Jacques Jani

Comment a évolué la collaboration avec les pédiatres ?

Les liens n'ont cessé de se renforcer. Nous avons de plus en plus de projets de recherche communs et de collaborations cliniques. Il est important que les pédiatres puissent participer à certaines décisions anténatales et vice-versa. J'ai été aussi promoteur de thèse d'une pédiatre en néonatologie. Nous avons des relations très étroites avec la néonatologie et les soins intensifs pédiatriques. Notre salle d'accouchement est d'ailleurs reliée à ces services par une passerelle; seule une vingtaine de mètres les sépare. À terme, le service de Néonatologie semi-intensif, pour l'instant chez nous, va être déménagé dans le Vis, un futur bâtiment commun construit à cheval sur les deux hôpitaux. Ce nouveau plateau permettra d'avoir beaucoup plus d'espace car on est à l'étroit. L'actuel service a été conçu pour une maternité de 1.000 accouchements, alors qu'on est passé à 3.439 accouchements en 2017.

Pourquoi le nombre d'accouchements a-t-il tant augmenté ?

Il y a plusieurs facteurs. De nombreuses petites maternités ont fermé et nous avons pu convaincre leurs gynécologues de nous rejoindre. De plus, on nous envoie pas mal de patientes car nous sommes devenus un centre de référence pour certaines pathologies très pointues. Enfin, nous avons de bons retours des femmes qui accouchent chez nous et qui font marcher le bouche-à-oreille.

Comment êtes-vous devenu un centre de référence européen ?

C'est grâce à notre réputation, qui s'est construite peu à peu depuis dix ans. Le CHU Brugmann est un «petit» hôpital mais les médecins du monde entier le connaissent grâce à notre participation à des études internationales de haut niveau. En 2012, j'ai créé une fondation qui finance de nombreux projets de recherche. Ceux-ci attirent des chercheurs de toute l'Europe, qui font aussi venir des patientes de leurs hôpitaux respectifs. Je chapeaute actuellement une dizaine de thèses de doctorat. Nous attirons donc des médecins brillants de l'étranger. Enfin, le fait de proposer des thérapies pointues telles que la chirurgie foetale est aussi un facteur important de notre notoriété.

Auteur : Barbara Delbrouck
Source : Osiris News (n° 50, juillet 2018 - avril 2019)