L’accompagnement multiculturel des patients d’origine étrangère et de leurs familles est au cœur des préoccupations des membres de l’équipe soignante. C’est ainsi qu’un « projet multiculturalité », intégré au projet HOPE et soutenu par le Plan National Cancer (et lauréat du Prix Gert Noël 2010) a pu se développer sur les sites Horta et Brien, tant en unité d’hospitalisation qu’en clinique médicale de jour.
Lors d’un sondage réalisé en 2009, la moitié des soignants interrogés ont noté l’impression que les patients d’origine étrangère étaient moins bien pris en charge, notamment du fait de problèmes de communication. Pour répondre à ces difficultés la formation et la supervision spécifique des soignants, un accès facilité à l’information pour les soignés, une amélioration du lieu d’accueil et la création d’une cellule pluridisciplinaire d’accompagnement ont été initiés.
La formation des soignants a principalement été assurée lors des conférences organisées par l’unité. La première a été présentée par le Prof. Rachid Bennegadi1 sur le thème suivant : « Prise en Charge Multiculturelle en Oncologie, l’apport de l’Anthropologie Médicale Clinique ». Le résumé de cette conférence ainsi que d’autres textes ou brochures portant sur ces questions figurent à Horta, à Brien et dans la bibliothèque du Service de Médiation Interculturelle de l’hôpital Brugmann. La seconde « Entre Soignants et Patients Croyants : 4 Représentants Religieux nous Informent »2 visait à informer les soignants sur les questions soulevées lors d’une hospitalisation autour des pratiques musulmanes, juives, orthodoxes et de la communauté des gens du voyage. Une supervision3 d’équipe, spécifique à la prise en charge multiculturelle, a eu lieu. Des moments de partage privilégiés ont permis non seulement l’échange de savoirs et de savoir-faire mais aussi d’initier une réflexion pluridisciplinaire quant au meilleur modèle de prise en charge.
Au delà de ce que le service de médiation interculturelle fait habituellement dans l’unité afin de faciliter l’accès à l’information notamment par la mise en relation constante avec des interprètes sociaux4 particulièrement qualifiés à la traduction en milieu hospitalier ; la brochure de l’unité a été traduite en arabe, turc et polonais. Cette brochure présente les différents membres et fonctions de l’équipe pluridisciplinaire, les traitements liés à la maladie cancéreuse, et des feuillets sont prévus pour organiser les aspects pratiques de la prise en charge. Un document permettant d’évaluer la douleur des patients a aussi été élaboré par l’équipe et traduit en plusieurs langues.
L’amélioration du lieu d’accueil passe par des initiatives variées : l’emménagement dans une salle d’hospitalisation qui offre des lieux privilégiés de rencontre avec les familles, l’organisation d’expositions temporaires5 portant sur le thème de la multiculturalité ou créées par des artistes de quartiers environnant l’hôpital, l’accès à des magazines en langue marocaine et turque dans les salles de clinique médicale de jour, ou encore la facilitation à l’accès aux représentants des différents cultes religieux. De plus, une après-midi placée sous le signe de la « Conviviali-thé »6 a réuni patients, familles et soignants autour d’une tasse de thé pour rompre l’isolement de certains et tromper l’anxiété suscitée parfois par des hospitalisations longues, douloureuses et porteuses de mauvaises nouvelles.
La création d’une cellule pluridisciplinaire d’accompagnement constitue probablement le point crucial de ce projet. Dans le passé déjà, médecins, infirmiers, psychologues, assistants sociaux et diététiciens se réunissaient de manière hebdomadaire autour des questions suscitées par les patients. Depuis la mise en place du projet, la médiatrice interculturelle participe également à ces réunions, elle y apporte un éclairage particulier et prend ainsi part aux décisions.
Pour évaluer ce projet, le sondage effectué en 2009 a été réitéré un an plus tard. Les soignants soulèvent toujours autant de difficultés dans leur prise en charge de patients d’origine étrangère, mais tous notent qu’ils ont maintenant les moyens pour faire face à ces difficultés. Le nombre de soignant ayant la perception qu’un patient est moins bien pris en charge s’il vient d’une autre culture a finalement diminué de moitié.
Quelles conclusions pouvons-nous tirer d’une telle expérience, vécue comme pilote, au sein de l’institution ? A l’heure actuelle, les avis des patients concernés par cette prise en charge multiculturelle n’ont pas été recensés. Notons qu’il s’agit-là d’un champ d’étude largement sous-exploité par la communauté scientifique en général (Reich, 2008)7. Une chose est certaine : aux dires des acteurs de terrain, la dynamique d’échange interdisciplinaire profite à chacun. La médiatrice interculturelle, qui travaille dans toutes les unités de l’hôpital, rapporte également des échos plus que favorables de la part des patients ainsi que de leurs familles pour qui l’échange, l’accès à la parole via les interprètes et la prise en compte de leurs spécificités socioculturelles atténuent les vicissitudes de la prise en charge d’une pathologie lourde et souvent complexe.